Guerre en Ukraine : le jeu d’équilibriste de la Turquie, pays médiateur – France Info

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« Négociateurs russes et ukrainiens ont rendez-vous lundi à Istanbul. Une nouvelle session de pourparlers qui doit durer trois jours pour tenter de mettre à terme à la guerre. La Turquie, qui joue les équilibristes entre Kiev et Moscou, s’est proposée pour jouer les médiateurs » rapporte Isabelle Labeyrie dans France Info.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne veut surtout pas choisir son camp : il soutient l’Ukraine – son alliée – tout en essayant de ne pas froisser la Russie – dont il est très dépendant. Sa proposition de médiation repose aussi des ressorts très personnels : le simple fait de se présenter comme un arbitre du conflit est très positif pour son image, sur la scène régionale comme sur la scène intérieure. Il espère que cela l’aidera à remonter dans les sondages. L’élection présidentielle en Turquie se profile dans un an et pour l’instant, il est donné perdant.

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Erdogan et Zelensky se connaissent bien, ils se sont vus cinq fois entre 2019 et 2021. Les deux pays sont de chaque côté de la mer Noire : Ukraine au Nord, Turquie au Sud. Kiev et Ankara entretiennent des liens de bon voisinage, mais surtout des liens très étroits de coopération militaire et sécuritaire.

Quand son industrie de défense a été sanctionnée par les occidentaux (notamment après l’achat par Ankara du système antimissile russe S-400 en 2019, puis la guerre au Haut-Karabakh en 2020), la Turquie s’est encore rapprochée de l’Ukraine, à qui elle fournissait déjà des armes et des drone utilisés aujourd’hui contre les soldats russes : les fameux drones armés Baraktar TB2 (qui ont favorisé les alliés de la Turquie aussi bien en Libye qu’au Haut-Karabakh), que l’Ukraine commence à produire sur son sol. Une coopération qui irrite le Kremlin.

Ce qui n’a pas empêché Ankara de formellement s’opposer à l’annexion de la Crimée, terre originelle des Tatars turcophones musulmans ; ni de dire, à plusieurs reprises, son attachement  à l’indépendance et à la souveraineté de l’Ukraine, dont elle soutient l’adhésion à l’Otan (la Turquie a elle-même officiellement rejoint l’Alliance atlantique en 1952).

Mais pas question d’aller plus loin. Erdogan refuse par exemple de prendre des sanctions contre Moscou ou de fermer son espace aérien aux avions russes… se mettre à dos Valdimir Poutine serait aller contre ses intérêts.

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Dépendance économique vis-à-vis de la Russie

Le 22 mars, à la veille d’un sommet européen à Bruxelles consacré à l’invasion de l’Ukraine, Recep Tayyip Erdogan a demandé à l’Union européenne de relancer les négociations d’adhésion avec son pays « sans céder à des calculs cyniques« . Les négociations, démarrées en 2005, se sont enlisées en raison de tensions parfois vives avec Bruxelles. Fin 2020, « la Turquie a continué à s’éloigner de l’Union européenne, avec un sérieux recul dans les domaines de l’État de droit et des droits fondamentaux« , déplorait notamment la Commission dans un rapport en 2020. 

Mais Ankara, très dépendante de la Russie, met ses querelles sous le tapis pour se détacher de la Russie, dont elle est très dépendante sur le plan économique : elle a besoin de lui vendre ses produits agricoles. Elle a aussi besoin des touristes russes, qui représentent la première nationalité dans le pays depuis que les Européens ne viennent plus. Touristes de passage ou résidents de plus long terme.

Leur argent est en tout cas vital pour le pays qui traverse une crise sans précédent, avec une inflation (officielle) de près de 50% sur un an et des mouvements sociaux comme on n’en avait pas vu depuis les années 70.

Ensuite la Turquie est dépendante sur le plan énergétique : plus de 40% du gaz consommé vient de Russie. Pas question donc de se fâcher avec Moscou. Ankara semble condamnée à jouer les équilibristes ; elle continuera donc à offrir ses services pour que les négociations aboutissent. Ou pas – pour elle ce n’est sans doute pas le plus important.

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France Info, 28 mars 2022, Isabelle Labeyrie, Photo/Ozan KOSE/AFP

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