Marche des fiertés : près de 200 personnes arrêtées à Istanbul – Le Monde

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« Depuis un spectaculaire défilé de plus de cent mille personnes à Istanbul, en 2014, les autorités turques interdisent le rassemblement, année après année, invoquant des raisons de sécurité » rapporte Le Monde du 26 juin 2022.

La police turque poursuit ses tentatives d’intimidation contre les personnes LGBT + (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres…). Les forces de l’ordre ont une nouvelle fois fondu, dimanche 26 juin, sur marche des fiertés d’Istanbul, interdite par les autorités, interpellant sans ménagement plus de 200 personnes, militants et journalistes, dont un photographe de l’Agence France-Presse (AFP).

Avant même le début du rassemblement, la police antiémeutes a effectué une descente musclée dans les cafés et les rues du quartier de Cihangir, autour de l’emblématique place Taksim, arrêtant les personnes qui s’y trouvaient, a constaté l’AFP.

Selon le comptage des organisateurs de la marche, quelque 200 personnes ont au total été appréhendées en plusieurs vagues. Amnesty International a réclamé leur « libération inconditionnelle et immédiate ». Selon plusieurs témoins, la police a tenté d’empêcher la presse de filmer les arrestations.

Le photographe Bülent Kiliç une nouvelle fois interpellé

Bülent Kiliç, photographe expérimenté et primé de l’Agence France-Presse, habitué aux zones de conflit, a été menotté dans le dos, a vu son tee-shirt arraché et a été embarqué avec d’autres à bord d’un fourgon de police. Vers 23 heures, plus de six heures après son interpellation, le photographe a été relâché, ainsi que d’autres manifestants. Douze personnes ont été également arrêtées dans la ville d’Izmir (ouest), selon Kaos LG.

Il avait déjà été arrêté en 2021 dans les mêmes circonstances. Sur Twitter, l’organisation de défense de la presse Reporters sans Frontières (RSF) a regretté que les autorités turques semblent « avoir pris l’habitude d’arrêter le photojournaliste de l’AFP, Bülent Kilic ».

« Malgré trois condamnations prononcées par la Cour constitutionnelle ces trois dernières années, les forces de l’ordre continuent les violences et les détentions arbitraires contre les journalistes. Malheureusement, l’administration a pris l’habitude de ne pas tenir compte des décisions de la Cour ni de la loi », a ajouté le représentant de RSF, Erol Onderoglu.

Marche interdite

La Marche des fiertés stambouliote, dont la première édition a eu lieu en 2003, a été officiellement interdite, depuis 2015, par le gouverneur de la ville, officiellement « pour des raisons de sécurité », après un spectaculaire défilé en 2014 de plus de cent mille personnes à Istanbul.

Cette année encore, des centaines de manifestants ont bravé cette interdiction, brandissant des drapeaux arc-en-ciel dans les rues adjacentes à la célèbre place Taksim, entièrement fermée au public. En chantant « L’avenir est queer »« Vous ne serez jamais seuls », ou « On est là, on est queer, on ne disparaîtra pas », les manifestants ont ensuite défilé pendant un peu plus d’une heure dans les rues du quartier de Cihangir, soutenus par les riverains postés aux fenêtres.

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« On essaie de nous interdire, de nous empêcher, de nous infliger des discriminations et même de nous tuer à chaque minute de notre existence » a confié à l’AFP Diren, 22 ans. « Mais aujourd’hui, c’est l’occasion de défendre nos droits, de crier qu’on existe : jamais vous n’arriverez à arrêter les queers », ajoute Diren, usant du vocable qui désigne toute forme d’altersexualité et réfute la définition biologique du genre.

Stigmatisation

Vendredi, la Commissaire européenne des droits de l’homme, Dunja Mijatovic, avait appelé « les autorités d’Istanbul à lever l’interdiction en vigueur sur la Marche des fiertés et à garantir la sécurité des manifestants pacifiques »« Les droits humains des personnes LGBT en Turquie doivent être protégés », ajoutait-elle, en réclamant qu’il soit « mis fin à [leur] stigmatisation ».

L’homosexualité, dépénalisée en Turquie depuis le milieu du XIXe siècle (1858), n’est pas interdite, mais elle reste largement soumise à l’opprobre social et à l’hostilité du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, ainsi que celle du gouvernement du président, Recep Tayyip Erdogan. Un ministre avait, par le passé, traité les homosexuels de « détraqués ».

En 2020, la plate-forme Netlix, qui projetait de produire, en Turquie, une série mettant en scène un personnage gay, n’avait pas obtenu le feu vert des autorités et avait été contrainte d’y renoncer. La même année, la marque française d’équipements et de vêtements sportifs Decathlon avait fait l’objet d’appels au boycott dans le pays pour avoir véhiculé, dans ses campagnes, des messages de soutien et de tolérance aux communautés LGBT +.

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Le Monde, 26 juin 2022

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