En Libye, la Turquie exerce une influence croissante/LE MONDE

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lLe Monde, le 18 septembre 2025

Après avoir joué le protecteur de la Tripolitaine, Ankara s’ouvre vers l’autorité parallèle de la Cyrénaïque du maréchal Haftar dans l’espoir d’asseoir ses ambitions maritimes en Méditerranée orientale.

La Turquie faiseur de paix en Libye ? Il aura donc fallu une insistante médiation d’Ankara pour que Tripoli évite de renouer avec ses vieux démons, ceux des combats entre milices. Un accord a été conclu samedi 13 septembre entre le gouvernement d’union nationale (GUN) et Rada, l’un des principaux groupes armés de la capitale, deux semaines après une poussée de fièvre ayant fait craindre une nouvelle éruption de violence entre les deux parties.

L’implication des services de renseignement turcs a été cruciale dans l’ébauche de cet apaisement entre les forces loyales au premier ministre, Abdel Hamid Dbeibah, et la milice Rada dont le contrôle du quartier du souk El-Jomaa (nord-est de Tripoli) – où siège l’aéroport de Mitiga – lui confère une influence décisive sur les équilibres de la capitale.

Après s’être débarrassé en mai d’un autre pôle milicien, l’Appareil de soutien à la stabilité (ASS), le gouvernement de M. Dbeibah bute sur la résistance résiduelle de Rada, ultime obstacle à l’établissement de sa mainmise intégrale sur Tripoli. Depuis la chute de l’ancien « Guide » Mouammar Kadhafi en 2011, la région de la Tripolitaine (ouest), à l’instar de l’ensemble du pays, s’est fragmentée en fiefs miliciens.

Sur le fond, le compromis demeure grevé d’incertitudes. Il relève surtout d’un catalogue de bonnes intentions sans grande valeur opérationnelle. Le retrait effectif de Rada de l’aéroport de Mitiga – où la milice supervise l’accueil des voyageurs ainsi qu’une base militaire annexe et un vaste complexe carcéral (détenant notamment des djihadistes) – reste la principale source d’interrogation. De l’avis de nombreux observateurs libyens, il est douteux que la milice quitte cette emprise territoriale dont elle tire sa puissance.

Retournement de situation

« L’accord est minimal et superficiel », commente Jalel Harchaoui, chercheur associé au Royal United Services Institute, à Londres. « Rada peut difficilement accepter de s’autodétruire en cédant l’aéroport de Mitiga », abonde un observateur international. Au-delà d’un affichage cosmétique d’un « accord », les ambitions du premier ministre Dbeibah d’uniformiser le paysage sécuritaire de Tripoli sous sa houlette risquent fort de continuer à être contrariées.

Mais l’essentiel de ce nouvel épisode des convulsions de Tripoli est ailleurs. Il est dans l’ombre portée, chaque semaine plus épaisse, de la Turquie sur les équilibres politico-militaires en Libye. Une inflexion majeure s’est produite au printemps quand Ankara, dont l’influence était jusque-là confinée à la Tripolitaine, a élargi de manière spectaculaire ses contacts à la Cyrénaïque (est) contrôlée par l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar.

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Le retournement de situation est saisissant au regard d’un proche passé, celui de la « bataille de Tripoli » (d’avril 2019 à juin 2020) quand une intervention militaire turque avait bouté hors de la capitale les troupes assaillantes de Haftar épaulée le groupe paramilitaire russe Wagner.

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