L’Echiquier syrien/ Nora Seni/Politique Internationale

Must read

Politique Internationale, n°189 automne 2025

Depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, la Syrie est devenue un terrain de confrontation entre Israël et la Turquie. Ankara se considère comme le parrain du gouvernement transitoire et exerce sur le pays une forme de protectorat. À la faveur de la guerre à Gaza, le président Erdogan se présente en champion de la cause palestinienne[1] et multiplie les déclarations enflammées à usage domestique qui incitent la presse partisane à appeler l’armée turque à s’impliquer directement dans la défense de l’enclave[2]. Au point que certains observateurs israéliens voient dans la Turquie une menace équivalente à celle de l’Iran. Dans ce contexte tendu, il n’est pas sûr que les pourparlers actuels sur un éventuel accord de sécurité entre Israël et la Syrie, entamés à Paris en août dernier, aboutissent dans un proche avenir.

La Turquie en Syrie

C’est sur des territoires certes syriens mais sous contrôle turc qu’est née en 2017 l’entité créée par Ahmed al-Charaa, Hayat Tahrir al Cham (HTC), auparavant branche d’al-Qaïda. Cette entité était la force dominante au sein du gouvernorat d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Les Kurdes, qui composaient l’essentiel de la population de la province, avaient été chassés par les interventions turques et remplacés par des « déplacés internes »[3], civils sunnites et rebelles djihadistes islamistes contrôlés par la Turquie. C’est d’Idlib que sont parties les forces de HTC qui, presque sans avoir à combattre, ont précipité la fuite de Bachar al-Assad le 8 décembre 2024. La Turquie a été le premier pays à reconnaître la légitimité du gouvernement d’al-Charaa. En accueillant Erdogan à la Maison Blanche le 25 septembre 2025 Donald Trump déclarait, en référence au nouveau pouvoir syrien, « [M. Erdogan] a pris le contrôle de la Syrie et il ne veut pas s’en attribuer le mérite. Vous savez, tous ces gens sont ses auxiliaires ». Le président améric

ain a pris soin de rappeler qu’il avait levé les sanctions contre la Syrie — prises au temps de Bachar al Assad — à la demande d’Ankara. Il a affirmé : « L’avenir de la Syrie est entre les mains d’Erdogan. » C’est à l’occasion de cette visite que le président américain a déclaré son opposition au projet israélien d’annexer la Cisjordanie… un peu comme s’il exprimait par là sa considération envers son homologue turc.

Ankara n’est pas prête à abandonner sa position de protecteur autoproclamé de la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères turc Hakan Fidan ne rate pas une occasion pour affirmer que son pays n’autorisera aucune action susceptible de porter atteinte à l’intégrité territoriale de son voisin. De fait, Ankara et Damas multiplient les accords de coopération militaire et économique. À son retour de Chine, où il a participé au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, le président Recep Tayyip Erdogan a déclaré début septembre que « la Turquie et la Syrie ne toléreront aucune tentative de déstabilisation ».

1) Les visées de la Turquie en Syrie sont d’ordre politique, militaire et économique

Visées politiques

Neutraliser les Kurdes du nord syrien faisait déjà partie des objectifs de la Turquie lorsqu’elle a commencé à s’impliquer dans le soulèvement syrien dès ses débuts en 2011. D’une part, elle a fait pression sur Bachar al-Assad pour qu’il accepte un compromis et, de l’autre, elle a invité les acteurs de la rébellion à entamer des discussions à Istanbul. Cette démarche s’inscrivait dans la politique de puissance d’Ankara et marquait sa volonté de reconfigurer la territorialisation des populations frontalières[4] déstabilisées par l’afflux de réfugiés syriens[5]. Un an après le début de la rébellion, la milice Sadat — une sorte de Wagner turc — voyait le jour, avec pour mission de conduire des actions non officielles à l’étranger[6]. Les mercenaires de cette compagnie de sécurité proche du président Erdogan étaient recrutés parmi les rebelles syriens. Leurs opérations ont contribué à renforcer de manière décisive l’influence de la Turquie en Libye[7], dans le Haut Karabagh et, tout récemment, au Niger[8].

Pour l’heure, Ankara incite le gouvernement provisoire d’al-Charaa à mettre en place un régime unitaire sunnite, d’obédience islamiste, réunissant l’ensemble des groupes ethnico-religieux : Alaouites (chiites), Druzes (chiites), Chrétiens et Kurdes (chiites, sunnites). La Turquie espère ainsi obtenir la dissolution de l’Administration autonome kurde (AANES, appelé familièrement le Rojava) qui jouxte sa frontière dans le nord-ouest syrien, ainsi que le désarmement des Kurdes et de leurs Forces démocratiques syriennes (FDS) qui, avec le soutien des États-Unis, avaient combattu Daech victorieusement. C’est l’une des raisons des négociations initiées en Turquie par l’État, au début de 2025, pour qu’Abdullah Öcalan, fondateur et chef historique du PKK, emprisonné depuis 26 ans sur l’île de Imralı en mer de Marmara, appelle les membres de son organisation à déposer les armes. Le 27 février, Öcalan a annoncé la fin de la lutte armée et la dissolution du PKK. Les acteurs de ce tournant historique et les représentants kurdes ont été peu loquaces sur les contreparties qui leur ont été concédées ou refusées.

En favorisant ce coup de théâtre, le président Erdogan poursuit deux objectifs distincts. Il pense d’abord que ce geste lui garantira le vote des députés kurdes à l’Assemblée nationale et lui permettra d’atteindre la majorité des deux tiers [9] nécessaire à la modification de la Constitution. Erdogan, en effet, ne fait guère mystère de son intention de rempiler pour un troisième mandat aux élections présidentielles de 2028. Sur le plan international, il espère que la dissolution du PKK convaincra les Forces démocratiques syriennes — qui furent une « branche » du PKK avant de prendre leurs distances —, de déposer les armes à leur tour et de rejoindre les rangs de l’armée syrienne.

Le 10 mars, une délégation du FDS conduite par Mazloum Abdi[10] avait signé un accord avec le président Ahmed al-Charaa visant à intégrer les institutions civiles et militaires kurdes au sein de l’État syrien. Cependant, le gouvernement syrien a refusé de participer aux pourparlers prévus à ce sujet à Paris au début du mois d’août et a exigé que les futures négociations se tiennent à Damas. Cette décision est intervenue au lendemain d’une conférence organisée par l’administration kurde, à laquelle ont pris part plusieurs communautés religieuses syriennes. Entre les deux dates, de graves violences ont été commises contre les minorités alaouites[11] (mars-avril 2025), druzes [12] (juillet 2025) et bédouines par des forces sunnites islamistes gouvernementales ou proches du gouvernement causant la mort de près de trois mille personnes.

Ces violences contre des communautés non sunnites ont suscité de sérieux doutes sur la capacité du gouvernement d’al-Charaa à asseoir son pouvoir et à assurer la sécurité des diverses populations. L’armée syrienne est bien trop faible. Elle n’est en tout cas pas de taille à affronter les forces kurdes. Les FDS comptent environ 50 000 à 60 000 hommes et femmes motivés, entraînés et partiellement équipés par le Pentagone. Amberin Zaman, journaliste à Al-Monitor analyse ainsi la situation : ils « restent prêts au combat après cinq ans de guerre contre Daech et se préparent à d’éventuelles attaques de la Turquie et du nouveau gouvernement syrien. En revanche, les piètres performances des Syriens à Soueïda[13] ont révélé la faiblesse et le manque de discipline des forces syriennes. Charaa s’est toujours montré réticent à s’attaquer aux Kurdes et résiste depuis longtemps aux pressions turques en ce sens. Une guerre avec les Kurdes l’affaiblirait encore davantage à un moment où l’économie est en ruine, où les promesses de milliards de dollars du Golfe restent lettre morte et où les salaires du secteur public ne sont toujours pas payés »[14].

Visées militaires

Le 5 avril dernier, Israël a bombardé des bases où la Turquie prévoyait de déployer des forces aériennes à l’instar de celles qu’elle possède en Libye révélant au grand jour l’étendue des ambitions militaires d’Ankara. Trois sites avaient été envisagés : la base T-4 et Palmyre, dans la province syrienne de Homs, ainsi que le principal aéroport de la province de Hama. Les frappes sur la base T-4, qui « ont détruit la piste, la tour de contrôle, les hangars et les avions immobilisés au sol »[15] ont mis fin, provisoirement, à ces projets turcs.

Peu après les bombardements, le ministère turc des Affaires étrangères a qualifié Israël de « la plus grande menace pour la sécurité régionale ». Des propos nuancés dès le lendemain par le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan qui a déclaré à Reuters que la Turquie ne souhaitait pas de confrontation avec Israël en Syrie [16]. De son côté, Gideon Saar, le ministre des Affaires étrangères israélien, a accusé Ankara de chercher à établir un « protectorat turc »[17].

Le 13 août 2025, les ministres de la Défense turc et syrien ont signé à Ankara un « protocole d’accord pour la formation et le conseil ». Le texte comprend des dispositions portant sur « la modernisation des capacités militaires de la Syrie, notamment par l’échange de personnel militaire, la formation avancée du personnel syrien en matière de cyber-sécurité, de lutte contre le terrorisme, de déminage, d’ingénierie, de logistique, d’assistance technique générale et de transferts d’armements » [18]. Cette coopération concernera aussi la lutte contre l’État islamique dont les cellules dormantes sur le territoire syrien montrent des signes de réveil, et cela sur fond de retrait des forces américaines du nord-est syrien et malgré les menaces d’Ankara à l’encontre des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui refusent toujours de déposer les armes. 

Visées économiques

Ravagée par quatorze ans de guerre civile, l’économie de la Syrie est un vaste champ de ruines. La Turquie a montré, notamment en Libye, son savoir-faire en matière de reconstruction post-conflit. On peut penser que cette expérience lui servira en Syrie bien que le contexte soit très différent.  

Elle-même dépourvue de ressources énergétiques et dépendante principalement de la Russie pour le gaz, la Turquie a commencé le 2 août 2025 à fournir du gaz naturel en provenance d’Azerbaïdjan à la Syrie. Cette initiative s’inscrit dans le programme qatari visant à financer l’approvisionnement en gaz pour la production d’électricité en Syrie.[19]. L’exportation du gaz naturel de l’Azerbaïdjan vers Alep se fera via Kilis, ville turque située dans le sud-est anatolien, près de la frontière syrienne. L’annonce en a été faite par le ministre turc de l’Énergie Alparslan Bayraktar, proche parent du gendre du président Erdogan et constructeur des drones éponymes Bayraktar TB2. Selon lui, dès la phase initiale, près de deux milliards de mètres cubes de gaz naturel pourraient être exportés chaque année vers la Syrie[20]. Dans ce dispositif, Ankara a fait jouer ses connexions avec le Qatar, siège des Frères musulmans, qu’elle avait soutenu lorsque l’Arabie saoudite et les Émirats avaient rompu leurs relations dans les années 2017-2021. Quant à l’Azerbaïdjan, son président Ilham Aliev doit sa victoire au Karabagh (2023) au soutien militaire que la Turquie lui a apporté avec ses drones Albayrak TB2.

Au début de juillet 2025, à l’issue de négociations menées entre Damas et Ankara, Turksat, le principal opérateur satellite de Turquie, a lancé un accès à l’internet haut débit en Syrie. Des services publics numériques syriens sont désormais accessibles en ligne grâce à aux capacités du satellite Turksat 5B, y compris dans des zones reculées du pays. L’opérateur turc prévoit de poursuivre l’installation de terminaux satellites sur tout le territoire afin d’élargir sa couverture et de développer l’infrastructure numérique syrienne. Une initiative dont la portée est sans doute plus politique qu’économique.

Quant au financement de la reconstruction, la Turquie reste tributaire des pays du Golfe. L’Arabie saoudite a investi 6,4 milliards de dollars dans des projets immobiliers et d’aménagement d’infrastructures. Le Qatar et les Émirats, pour leur part, ont signé un accord de 14 milliards de dollars concernant les secteurs des transports en commun et de l’immobilier [21].

Israël-Syrie : une paix en vue ?

À l’opposé des relations turco-syriennes qui reposent sur des affinités culturelles et une histoire ottomane commune, les liens entre Israël et la Syrie sont définis par un état ininterrompu de guerre, Damas n’ayant jamais reconnu l’État hébreu depuis sa création en 1948.

Au cours des quatre mois qui ont suivi le renversement d’Assad, Israël a détruit une grande partie des armes lourdes et des équipements militaires syriens, renforcé sa présence dans le sud-ouest du pays et s’est rapprochée de la communauté druze syrienne. Tsahal a envoyé des troupes dans la zone tampon démilitarisée sur le plateau du Golan, à la lisière de la partie de ce plateau qu’Israël occupe depuis 1967. En juillet, une aile du palais présidentiel a été prise pour cible ainsi que le quartier général de l’armée syrienne à Damas afin de forcer les troupes gouvernementales, qui s’étaient déployées dans la ville druze de Soueida, à s’en retirer. En Syrie, bien que les Druzes, communauté issue d’une branche de l’islam chiite, ne représentent que quelque 3 % de la population, la relative autonomie dont ils jouissaient sous la dictature de Bachar al-Assad les rend suspects aux yeux du nouveau pouvoir sunnite. Ils disposent de leurs propres milices et tentent d’éviter l’enrôlement de force dans la nouvelle armée syrienne. Si Israël « protège » cette communauté, c’est que quelque 150 000 Druzes vivent en Israël où ils sont mieux intégrés que les Arabes sunnites et les chrétiens[22].  

On peut douter de la capacité du gouvernement d’al-Charaa à intégrer ces forces armées kurdes ou druzes, qu’il s’agisse de milices ou de mercenaires, dans une armée syrienne qui se veut unitaire. On peut aussi s’interroger sur le degré d’émancipation du nouveau maître de Damas, tombeur de Bachar al-Assad, par rapport aux forces djihadistes qui l’ont porté au pouvoir. Mis à part l’abandon du turban pour le costume-cravate désormais arboré par al-Charaa, le gouvernement transitoire n’a guère montré de signe d’une nouvelle identité, distincte du fondamentalisme radical de ses anciens alliés, al-Quaïda et l’État islamique. 

Toujours est-il qu’un cessez-le-feu a été proclamé par les autorités le 19 juillet après une déclaration de Washington affirmant avoir négocié une trêve entre Israël et la Syrie afin d’éviter une escalade.

Depuis, des rencontres ont lieu entre hauts responsables israéliens et syriens sous l’égide des États-Unis. L’agence officielle syrienne Sana a annoncé le 19 août que le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad Hasan Al-Chaibani rencontrait à Paris une délégation israélienne conduite par Ron Dermer, ministre israélien des Affaires stratégiques pour discuter de « désescalade entre les deux pays voisins et de non-interférence dans les affaires internes syriennes » ainsi que de « stabilité dans la région ». Charaa a lui-même confirmé le 24 août les informations selon lesquelles son gouvernement était en pourparlers « avancés » avec Israël au sujet d’un accord de sécurité basé sur les lignes de désengagement israélo-syriennes de 1974[23]. Il a toutefois minimisé les perspectives d’un accord de paix avec Israël à court terme[24]. Israël ne se sent pas non plus les mains liées par les pourparlers en cours et poursuit ses incursions sur le sol syrien. Le 28 août, des troupes terrestres israéliennes ont mené une opération sur un site près de Damas déjà bombardé auparavant. Le ministère israélien de la Défense a admis que l’armée conduisait des actions militaires parallèlement aux discussions en cours.

Pour l’heure, les positions syriennes et israéliennes semblent encore éloignées.

1) Les Syriens exigent qu’Israël se retire sur les lignes d’armistice de 1974. Israël, pour sa part, insiste pour maintenir sa présence au sommet du mont Hermon. 

2) Israël demande des garanties de sécurité pour la minorité druze de Syrie. L’État hébreu justifie sa position en évoquant les massacre de Soueïda qui ont fait 1 400 morts à la mi-juillet 2025, violences dont les forces gouvernementales auraient été complices. Le fait que le chef spirituel des Druzes d’Israël, le cheikh Muwaffaq Tarif, soit présent à Paris traduit l’influence de cette minorité sur la politique israélienne.

3) Au nom de la défense des Druzes syriens, Israël réclame la démilitarisation de la zone qui s’étend de la partie syrienne du plateau du Golan jusqu’au sud de Damas, ainsi que la création d’un « couloir humanitaire » incluant la province de Soueïda.

Le gouvernement syrien se refuse à une telle concession qui, selon lui, autoriserait Israël à s’aventurer sur son territoire. Cette proposition ne fait d’ailleurs pas l’unanimité en Israël, où l’on craint que l’État hébreu se retrouve de facto responsable de la sécurité des Druzes de Syrie.

Malgré tout, Israël et la Syrie continuent à jouer le jeu de la concertation, Il est vrai que les deux pays ont intérêt à conclure un accord de sécurité. Charaa a besoin de la reconnaissance internationale de son nouveau gouvernement et d’investissements pour reconstruire le pays. Quant à Israël, la démilitarisation du sud de la Syrie le préserverait de l’enracinement des forces islamistes et d’un déploiement d’armes stratégiques qui pourraient interférer avec le couloir aérien qu’empruntent ses avions de combat pour atteindre l’Iran. 

Mais les avancées sont d’autant plus laborieuses que, depuis le début, l’ombre de la Turquie plane sur ces pourparlers. Les Israéliens semblent convaincus que le président Recep Tayyip Erdogan ne voudra rien céder de l’influence de son pays en Syrie. Ils savent aussi que le ministre des Affaires étrangères turc Hakan Fidan est l’homme clé de la situation et que c’est lui qui tire les ficelles à Damas. Une source diplomatique israélienne de haut rang aurait confié à Al-Monitor que les Israéliens veulent éviter que l’axe dominé par l’Iran ne soit remplacé par une coalition sunnite dirigée par les Frères musulmans, allant du Qatar à Damas avec un prolongement jusqu’à Ankara. Reste que l’influence turque en Syrie est considérée comme beaucoup plus acceptable aux yeux d’Israël que ne l’était celle de l’Iran. « Bien qu’Erdogan ait désigné Israël comme un ennemi, nous n’avons aucune intention d’entrer en guerre avec la Turquie, même si au Moyen-Orient tout est possible », aurait affirmé cette même source [25].

Si tout est possible au Moyen-Orient, pourquoi une paix pérenne entre la Syrie et Israël ne le serait-elle pas ?

Nora Seni


[1] Les relations entre Israël et la Turquie se sont sensiblement détériorées depuis plus d’une décennie. Elles sont devenues paroxystiques depuis la guerre de Gaza. Ankara héberge des dirigeants du Hamas à qui elle offre base logistique et opérationnelle. Cependant, cet article se concentre sur les relations turco-israéliennes concernant la Syrie. Ne seront donc pas analysés leurs désaccords qui ne portent pas sur les enjeux syriens. 

[2] Le président turc déclarait par exemple le 1er août 2025 « Inshallah, nous prierons (namaz) ensemble prochainement à Gaza pour rendre grâce de notre victoire ». Le 5 août, le quotidien Yeni Şafak (Aube nouvelle) publiait « Désormais tout nouveau pas doit frapper Israël. Attaquer ouvertement Israël est devenue inévitable » (traduit du turc par Nora Seni).

[3] Selon une estimation de 2022, le gouvernorat d’Idlib compte 2 927 392 habitants, dont 1 899 350 « déplacés internes ». Ce terme désigne des personnes contraintes de fuir leur lieu de vie mais qui demeurent dans leur État d’origine.

[4] « En 2019 Erdogan avait élaboré un projet visant à réinstaller une bonne partie des 4 millions de réfugiés syriens accueillis depuis le début du conflit sur la ceinture territoriale qui s’enfonce de 30 km au sud de la frontière turco-syrienne. Selon ce plan, 140 villages et dix centres devaient être construits pour 5 000 à 30 000 habitants dans cette bande baptisée « zone de sécurité » par la Turquie. cf. Nora Seni « La Nouvelle politique migratoire turque, corollaire de l’invasion du nord syrien », Observatoire de la Turquie contemporaine, 8 octobre 2019.

[5] Cf. Lori Bastianutti, « Les réfugiés syriens en Turquie. Stratégie de l’asile d’un État en quête de puissance », thèse de doctorat soutenue le 4 septembre 2025 à l’Institut français de géopolitique de Université Paris 8.

[6] Ancien général de brigade des Forces armées turques Adnan Tanrıverdi, le fondateur de Sadat, avait également été le conseiller en chef du président Erdogan entre 2016 et 2020.

[7] Nora Seni « La Turquie en Libye à l’ère Biden », Hérodote, 2021/3 n° 182, pp. 149-161.

[8] Nicolas Bourcier, « Sadat, le Wagner turc dont l’ombre plane sur le Sahel », Le Monde, 7 juin 2024.

[9] Les deux tiers correspondent à 400 voix sur 600. Cette majorité permet d’adopter directement la modification visée. Une majorité des trois cinquièmes est suffisante à condition d’être confirmée par référendum.

[10] Commandant en chef des FDS.

[11] Les Alaouites sont une émanation minoritaire des musulmans chiites dont est issue la lignée des Assad.

[12] Les Druzes forment environ 3 % de la population syrienne. Cette communauté religieuse issue de l’islam chiite « emprunte aussi bien à l’hindouisme qu’au judaïsme, au christianisme ou encore à la philosophie grecque antique », explique Marc Lavergne, directeur de recherches émérite au CNRS » (Le Monde, 19 juillet 2025). Ceux sont là des particularités qui, aux yeux de l’Islam sunnite, surtout s’il est rigoriste, peuvent conduire à les considérer comme des hérétiques. Toujours est-il qu’ils ont été pris pour cible le 20 juillet 2025 par des milices tribales sunnites et vraisemblablement par des troupes gouvernementales islamistes.

[13] Les forces d’al-Charaa n’ont pas réussi à maîtriser les violences auxquelles a mis fin l’intervention de l’armée israélienne.

[14] Amberin Zaman, « Will Turkey follow through on threats to attack Syrian Kurds », Al-Monitor, 15 août 2025 (traduit par Nora Seni).

[15] Cf. Reuters et Times of Israël, 5 avril 2025.

[16] Idem. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a lui qualifié ces frappes aériennes d’avertissement, indiquant qu’Israël ne permettrait pas que sa sécurité soit mise en péril.

[18] Barin Kayaoglu, Al-Monitor, 23 août 2025.

[19] Une première phase a été lancée en mars via la Jordanie et a permis de fournir 400 mégawatts d’électricité par jour.

[20] « Le gaz permettra d’activer une centrale électrique d’une capacité d’environ 1 200 mégawatts, répondant aux besoins en électricité d’environ cinq millions de foyers (…) », a expliqué M. Bayraktar. In « La Turquie a commencé à fournir du gaz azerbaidjanais à la Syrie » Istanbul/AFP France 24, publié le 2 août 2025.

[21] « Syrie. Les élections ne panseront pas les plaies », Courrier International, 11-17 septembre 2025.

[22] « En effet, 30 % des hommes druzes israéliens travaillent dans la défense nationale ». « Des emplois leur sont également réservés dans la police et dans l’administration pénitentiaire et sur les cent vingt députés élus à la Knesset, quatre sont druzes alors que la communauté druze représente seulement 2 % de la population israélienne ». « Le dilemme des Druzes, minorité arabe et soutien historique d’Israël », Inès Gil, Les Clés du Moyen-Orient, 17 mai 2017.

[23] Ce tracé ne constitue pas une frontière à proprement parler mais une ligne de séparation militaire (de cessez-le feu). Israël se retire des territoires occupés pendant la guerre de Kippour (1973) mais conserve le reste du plateau du Golan pris en 1967. Kuneitra est rendu à la Syrie. Israël garde le contrôle de Majdal Shams, village au sud du mont Hermon, dans le plateau du Golan et habité majoritairement par des Arabes druzes, ainsi que de la colonie juive de Qatzrin.

[24] Ben Caspit « Will Israel’s potential Syria security deal intensify its rivalry with Turkey ? », Al-Monitor, 26 août 2025.

[25] Idem.

More articles

Latest article