Le constructeur a signé, en 2024, un accord afin d’ouvrir une vaste usine de production dans la cité turque. Mais aucun chantier n’a pour le moment commencé, ce qui agace les autorités du pays.
L’annonce avait fait grand bruit. Le 8 juillet 2024, surfant sur le dynamisme de son secteur automobile, le gouvernement turc a signé un accord avec le géant chinois BYD, devenu alors le plus grand constructeur de véhicules électriques au monde, passant tout juste devant Tesla. Le projet portait sur l’ouverture d’une vaste usine de production à Manisa, capitale provinciale de l’ouest de la Turquie et voisine de la ville portuaire d’Izmir. Le groupe envisageait d’y investir un milliard de dollars (924 millions d’euros), en vue de produire chaque année 150 000 voitures électrifiées.
Retransmise en direct par les médias progouvernement turcs, la cérémonie de signature avait été parrainée par le président, Recep Tayyip Erdogan, et le directeur général de BYD, Wang Chuanfu. Lors de son discours, ce dernier a promis d’imposer un calendrier accéléré, visant à terminer la construction de l’usine d’ici à fin 2025 pour sortir les premiers véhicules à la mi-2026. Les mois suivants, plusieurs équipes d’ingénieurs chinois se sont rendues à Manisa, comme l’a constaté sur place Le Monde. Ils ont visité le terrain gracieusement fourni par l’Etat turc. Ils ont pris des notes, des relevés et des informations sur le marché local. Et puis plus rien.
Aucun chantier n’a commencé, ni aucune installation mise en service, au grand dam des autorités. A Bursa, au siège du lobby turc des exportateurs automobiles, l’OIB, Baran Çelik, son président, ne mâche pas ses mots pour dénoncer « les lenteurs » de BYD.
« La compétition avec les constructeurs chinois n’est pas facile, admet-il, avant de préciser : Normalement ils vont vite, mais là on ne sait rien ni quand ils vont démarrer. » Et le responsable de rappeler les contrats signés qui stipulent la sortie des premières voitures avant la fin de 2026. « Ce qui, au vu du non-avancement du chantier, est désormais impossible, souligne-t-il. Ils sont d’ores et déjà susceptibles de payer des pénalités. »
Transferts technologiques
Rien n’a, à ce jour, filtré du côté de BYD. Mais selon plusieurs sources, les raisons de ces retards sont de deux ordres. Au cours des négociations, un des principaux points de frictions entre le constructeur et les autorités turques a été le dossier des transferts technologiques, en particulier sur le secteur des batteries électriques.
D’un côté, le gouvernement turc poursuit l’objectif de renforcer sa compétitivité internationale en tentant de se positionner comme un pôle d’excellence en matière d’électromobilité. De l’autre, les autorités de Pékin demandent depuis plusieurs mois aux constructeurs de mieux protéger leurs actifs et leurs technologies, insistant sur le fait que les pièces importantes soient produites en Chine avant d’être envoyées dans d’autres pays.
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L’autre raison avancée pourrait être liée à la passe difficile que traverse BYD. Au deuxième trimestre, son bénéfice net a chuté de 30 % sur un an et les ventes en Chine marquent leur premier recul depuis plusieurs années. De quoi désespérer Manisa.
