Israël oserait-il frapper le Hamas en Turquie ? COURRIER INTERNATIONAL

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COURRIER INTERNATIONALE, le 18 septembre 2025

Depuis les bombardements israéliens du 9 septembre contre des hauts responsables du Hamas installés au Qatar et les déclarations israéliennes pointant ouvertement ou à demi-mot la Turquie du doigt, la presse turque s’interroge quant au risque d’être visé par une frappe similaire. D’autant que l’État hébreu a promis de pourchasser les dirigeants du mouvement palestinien où qu’ils se trouvent.

Israël oserait-il bombarder la Turquie, qui abrite de nombreux membres du Hamas ? se demande ainsi le journaliste spécialiste du Moyen-Orient Murat Yetkin sur son blog. L’ancien chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, était à Istanbul lors des attaques du 7 octobre 2023. De crainte de provoquer la fureur d’Israël et surtout des États-Unis, il avait été prié, ainsi que d’autres responsables, de quitter le pays. Il avait finalement été tué lors d’une attaque israélienne en Iran, en juillet 2024.

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Mais de nombreux membres de l’organisation palestinienne sont, eux, toujours sur le sol turc, et d’autres pourraient être tentés de s’y rendre après les frappes en Iran et au Qatar. La Turquie se demande aussi, si elle était visée, quelle serait la réaction des autres pays de l’Otan, dont elle est membre, signale le journaliste.

Fini la collaboration

Ce type de frappes ciblées n’est pas jugé probable par Ankara, rapporte cependant Middle East Eye, tout en soulignant que les autorités turques se préparent tout de même à cette éventualité. Le pays vient ainsi de lancer une vaste campagne nationale de construction de bunkers souterrains et renforce ses capacités en matière de missiles balistiques comme de défense antiaérienne, souligne le média.

“Israël semble ne pas vouloir s’arrêter là et a promis de pourchasser les dirigeants du Hamas où qu’ils soient. Ils ne bombarderont peut-être pas la Turquie, mais ils pourraient tenter d’y infiltrer une équipe d’assassins”, s’inquiète le quotidien d’extrême droite Türkiye.

Les services de renseignements turcs et israéliens ont longtemps collaboré étroitement, notamment pour la capture au Kenya du fondateur et leader de la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, en 1999. En 2022, une opération conjointe revendiquée par le Mossad israélien et son équivalent turc, le MIT, avait permis de déjouer un plan des services de renseignements iraniens visant à s’en prendre à des touristes israéliens à Istanbul.

Mais au vu des tensions croissantes avec Israël depuis la guerre à Gaza, la Turquie a multiplié sur son territoire les coups de filet visant des personnes soupçonnées de collaborer avec les services de renseignement israéliens. En juin, notamment, la justice turque a ainsi requis entre dix-huit et trente-cinq ans de prison à l’encontre d’un citoyen turc et d’un ressortissant kosovar, accusés de servir de relais pour financer les activités du Mossad sur le sol turc, rapportait le quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak.

La Turquie peut-elle faire face ?

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a mis en garde Israël à plusieurs reprises contre d’éventuelles actions contre des membres du Hamas sur le sol turc : “Ceux qui imagineraient organiser des assassinats sur le sol turc paieront le prix fort”, déclarait-il ainsi l’année dernière.

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La presse progouvernementale, elle, chante les louanges des services de renseignements, qu’elle juge tout à fait aptes à écarter la menace. Principal quotidien proche du pouvoir, Sabah affirme même que ce seraient les services de renseignements turcs qui auraient fait échouer les frappes israéliennes au Qatar, qui n’ont pas atteint leur but en manquant les responsables du Hamas et notamment leur cible principale, le négociateur en chef du mouvement palestinien, Khalil Al-Hayya.

“Vous avez huit minutes pour quitter le bâtiment”, leur aurait intimé un message transmis par les services turcs, croit savoir le quotidien, qui applaudit les avancées technologiques en matière de détection radar, qui auraient permis de repérer le vol des avions israéliens. Une thèse largement reprise dans la presse turque, non confirmée ni vérifiée, mais qui contribue au message envoyé à l’unisson par les médias du pouvoir : la Turquie ne tolérera aucune action sur son sol et a les moyens d’y faire face.

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