Business AM, le 22 octobre 2025
Principaux renseignements
- La Turquie investit dans l’armement de pointe et la modernisation navale pour devenir autosuffisante et projeter une plus grande influence régionale.
- La Turquie défie l’unité de l’OTAN en poursuivant des politiques indépendantes, comme l’illustre l’achat de systèmes de défense aérienne russes.
- La Turquie cherche à être reconnue dans le monde comme une puissance de premier plan, en défendant les intérêts des musulmans et en exigeant une voix plus forte dans les institutions internationales.
La Turquie a subi une transformation significative ces dernières années, passant d’une nation aspirant à l’adhésion à l’Union européenne à une puissance régionale confiante affirmant ses intérêts sur la scène mondiale. Ce changement est motivé par un désir d’indépendance et de souveraineté, qui conduit la Turquie à tracer sa propre voie entre les alliances occidentales comme l’OTAN et les partenariats avec les pays de l’ »Orient collectif » et du monde musulman.
Cette nouvelle stratégie géopolitique est évidente dans les ambitions militaires de la Turquie. Le pays investit massivement dans la production nationale de défense, développant des systèmes d’armes avancés tels que le char Altai et l’avion de chasse TAI TF Kaan. Associée à une marine qui se modernise rapidement, guidée par la doctrine Mavi Vatan, qui remet en question les normes maritimes établies, la Turquie vise l’autosuffisance et l’élargissement de son influence navale.
Méditerranée et OTAN
La Méditerranée orientale est devenue un point central de cette politique étrangère affirmée. Les différends concernant les réserves de gaz récemment découvertes, comme le champ Calypso de Chypre, et les frontières maritimes ont entraîné des tensions avec les alliés de l’OTAN tels que la Grèce et la France. La Turquie a réagi en déployant des navires de forage escortés par des navires de guerre dans les eaux contestées, ce qui a encore compliqué la situation.
Ces différends mettent en évidence le paradoxe auquel l’OTAN est confrontée : sa deuxième armée la plus importante opère de plus en plus de manière indépendante, remettant en cause l’unité de l’alliance. Si la relation de la Turquie avec l’OTAN reste stratégique plutôt qu’idéologique, les tensions se sont accrues à la suite de l’achat par Ankara du système de défense aérienne russe S-400, ce qui a entraîné son exclusion du programme d’avions de combat F-35.
Renforcement des liens avec la Russie
Simultanément, la Turquie tisse des liens plus étroits avec la Russie sur la base d’intérêts partagés dans la contestation de l’influence occidentale. Toutefois, cette relation reste pragmatique et ne constitue pas une alliance formelle.
Ankara cherche également à se positionner en tant que leader des communautés musulmanes au niveau mondial, en soutenant des groupes tels que les Frères musulmans et en s’engageant activement dans des conflits régionaux tels que la Libye. Cette position renforce l’image de la Turquie en tant que champion de la résurgence islamique et contrepoids aux monarchies arabes du golfe Persique.
Scène mondiale
La transformation de la Turquie reflète une évolution plus large vers un ordre mondial multipolaire. L’ambition d’Ankara est de rejoindre les rangs des puissances mondiales, en exigeant d’avoir davantage voix au chapitre dans les institutions internationales telles que les Nations unies. Cela signifie que la Turquie ne cherche plus simplement à jeter un pont entre l’Est et l’Ouest, mais vise à devenir un pilier indépendant au sein du système multipolaire émergent.
Les implications sont importantes tant pour l’OTAN que pour l’Union européenne. L’alliance doit faire face à la réalité de sa deuxième armée la plus importante qui poursuit son propre agenda, tandis que l’UE est confrontée à un voisin qui trouve un équilibre entre la coopération économique et la rivalité géopolitique.