Un pilote de l’armée de l’air turque sera le premier astronaute de l’histoire de la Turquie. Il participe à la troisième mission d’Axiom Space pour envoyer quatre astronautes vers l’ISS / LIBÉRATION

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Quatre astronautes «privés», des hommes uniquement, vont décoller ce mercredi 17 janvier à bord d’une fusée de SpaceX pour rejoindre la station spatiale internationale, qu’ils vont occuper pendant deux semaines. Le lancement est prévu à 23 h 11, heure de Paris.

Le 17 janvier 2024, Libération

«Pendant que la Nasa se concentre sur la Lune et sur Mars, nous sommes engagés dans la transformation de l’orbite terrestre en un marché mondial où l’accès à l’espace n’est plus réservé aux partenaires de la station spatiale internationale, mais s’ouvre aux nations, institutions et individus dont les idées nouvelles nourriront une économie humaine florissante au-delà de la Terre.» C’est un peu lyrique, mais dans ce communiqué publié en mars 2023, Michael Suffredini résume finalement très bien la raison d’être d’Axiom Space, la société américaine dont il est PDG. Quatre astronautes «privés» sélectionnés et entraînés par Axiom vont décoller ce mercredi 17 janvier au soir à bord d’une fusée de SpaceX pour rejoindre la station spatiale internationale (ISS), qu’ils vont occuper pendant deux semaines aux côtés des astronautes habituels déjà présents. Le lancement est prévu à 23 h 11, heure de Paris, depuis Cap Canaveral en Floride.

Vétérans et novices

C’est déjà la troisième fois qu’Axiom Space organise ce séjour de luxe dans l’espace. Une première mission Ax-1 avait inauguré cette nouvelle ère du voyage spatial en avril 2022, avec un équipage de quatre personnes dont une seule avait déjà expérimenté l’apesanteur – l’astronaute retraité de la Nasa Michael López-Alegría, qui a un paquet de vols à son actif. Il avait emmené dans sa valise trois hommes d’affaires, qui avaient chacun déboursé 55 millions de dollars (un peu plus de 50 millions d’euros) pour s’envoyer en l’air. Rebelote en 2023 : Axiom organise sa mission Ax-2 et tente de varier les profils des individus fortunés qu’il promène en orbite, avec notamment une commandante au féminin (Peggy Whitson) et la Saoudienne Rayyanah Barnawi qui était la première femme arabe à participer à une mission spatiale.

Le Suédois Marcus Wandt, astronaute réserviste de l’ESA, en entraînement dans une réplique de l’ISS aux Pays-Bas en 2023. (A. Conigli/Photo A. Conigli. ESA)

Cette année, la troisième mission d’Axiom Space veut à nouveau faire parler d’elle par le choix de ses heureux élus. Exit les débutants ; les quatre astronautes d’Ax-3 baignent déjà tous dans l’aérospatial et leurs tickets pour l’espace (dont le prix a augmenté depuis 2021, laisse entendre Michael Suffredini) n’ont pas été achetés de leur poche. Au poste de chef, on retrouve à nouveau l’hispano-américain Michael López-Alegría – désormais employé par Axiom Space. A ses côtés, l’Italien Walter Villadei, qui a des diplômes en génie astronautique et une formation de cosmonaute acquise en Russie, a vu son ticket payé par l’armée de l’air italienne. Alper Gezeravci, pilote de l’armée de l’air, sera le premier astronaute de l’histoire de la Turquie et est également invité par son gouvernement. Enfin, le Suédois Marcus Wandt a été sélectionné par l’Agence spatiale européenne, dont il est un astronaute réserviste de la promotion 2022. Le casting est de nouveau 100 % masculin mais c’est «la première mission commerciale entièrement européenne», clame Axiom Space.

Privatisation de l’orbite

Que vont-ils faire là-haut pendant deux semaines ? Exactement comme les astronautes «publics» : des expériences en apesanteur pour faire avancer la science et la technologie, qui leur ont été confiées par des institutions venant des quatre coins du globe, et beaucoup de communication sur le métier d’astronaute au XXIe siècle. Il s’agit plus globalement de prouver qu’on peut aujourd’hui voyager dans l’espace avec un entraînement de quelques mois, sans rien n’y connaître au départ.

L’agence spatiale américaine encourage cette privatisation de l’orbite terrestre basse (c’est ainsi qu’on appelle la zone aux alentours de 400 kilomètres d’altitude, où gravite l’ISS), qu’elle va un peu délaisser dans les années à venir puisque la majeure partie des budgets «missions habitées» servira à construire une nouvelle station spatiale en orbite lunaire, le Lunar Gateway, et une base de vie au pôle Sud de la Lune. Quant à la bonne vieille ISS, qui a désormais plus de vingt ans, elle prendra sa retraite en 2031 et ne sera pas remplacée par la Nasa et l’agence spatiale russe. A la place, les acteurs privés sont invités à prendre le relais avec leurs propres projets de petites stations dites «commerciales». Axiom Space prépare la sienne (un peu bling-bling).

Un vaisseau Dragon de SpaceX arrimé à la station spatiale internationale, en mai 2023, qui servait de navette mais aussi d’hébergement aux quatre astronautes privés de la mission d’Axiom Space « Ax-2 ». 

D’ici là, Axiom a donc un partenariat avec la Nasa pour héberger régulièrement des équipages privés dans l’ISS, et paye son loyer comme n’importe quel locataire. La grille des tarifs est publique depuis avril 2021 : outre le forfait de base «accueil d’une mission privée» à 4,8 millions de dollars, Axiom débourse 100 000 dollars par personne et par jour pour la gestion des déchets, 2 000 dollars pour la nourriture et les boissons… et 5,2 millions de dollars pour le temps et les compétences des astronautes professionnels qui participent à la logistique, par exemple en gérant l’arrimage du vaisseau d’Axiom et en faisant faire le tour du propriétaire à l’équipage.

Bout de mur ou de plafond pour dormir

Et encore, il n’est même pas garanti d’avoir un lit pour ce prix. L’ISS héberge déjà sept astronautes à l’heure actuelle (trois Russes, deux Américains, un Japonais et un Danois), ce qui correspond au nombre de vrais lits permanents dans la station. Les quatre visiteurs supplémentaires doivent dormir dans leur propre vaisseau, le moderne Crew Dragon de SpaceX, ou se trouver un petit coin – un bout de mur ou de plafond – où s’attacher avec une sangle pour ne pas flotter librement.

De son côté, la Nasa y trouve aussi son compte. «Le retour sur Terre d’échantillons scientifiques qui doivent rester au frais durant le voyage, de l’espace de stockage pour ramener du matériel, et la possibilité d’exploiter le temps de l’astronaute qui commande la mission privée [l’astronaute vétéran de la Nasa, ndlr] pour effectuer des tâches pour le compte de la Nasa.» Les affaires marchent dans les deux sens, même tout là-haut.

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