Crise économique, racisme : la Turquie n’est pas un havre de paix pour les réfugiés – Courrier International

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« L’accord de 2015 entre la Turquie et l’Union européenne bloque le passage vers l’Europe des réfugiés, principalement syriens et afghans. Ces derniers s’inquiètent de voir leurs conditions de vie en Turquie se dégrader, rapporte la presse turque » rapporte Courrier International du 10 octobre 2022.

Attisé par la crise économique dans laquelle s’enfonce le pays, le rejet des réfugiés se manifeste de plus en plus ouvertement en Turquie. Celui-ci est notamment nourri par de nouveaux partis d’extrême droite qui espèrent tirer profit de l’effondrement du MHP, parti ultranationaliste allié à l’AKP du président Erdogan. Mais le CHP, principal parti d’opposition en Turquie, d’ordinaire plus modéré, n’est pas en reste.

“Qu’ils soient réfugiés ou migrants, afghans ou syriens, nous allons libérer les rues de la Turquie de ces gens. Ils partiront en traînant des pieds, mais nous mettrons des incitations et des aides en place pour tenter d’obtenir leur consentement”, déclarait tout récemment Engin Altay, président du groupe CHP au Parlement, rapporte le quotidien Dünya.

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Vague de meurtres racistes

L’hostilité croissante à l’encontre des réfugiés se manifeste même parfois de manière meurtrière. La version anglophone d’Al-Jazeera revient ainsi sur l’assassinat de Chérif Khaled Al-Ahmad, réfugié syrien de 22 ans, abattu en juin dernier lors d’affrontements ethniques dans le quartier défavorisé de Bagcilar, à Istanbul. En septembre, Fares Mohammad Al-Ali, un autre réfugié syrien et étudiant de 17 ans, était poignardé à mort dans la province de Hatay, non loin de la frontière syrienne, rapporte le média en ligne Gazete Duvar.

Majoritairement orientée contre les plus de 3,5 millions de réfugiés syriens installés sur le territoire turc, la montée du racisme concerne également les Afghans, de plus en plus nombreux à avoir gagné la Turquie au fur et à mesure de l’intensification des combats et de l’avancée des talibans.

Zeynep, 46 ans, vit à Ankara. Docteure en gynécologie en Afghanistan, elle ne peut pas exercer en Turquie. Pour éviter les agressions, la mère de famille prend ses précautions, explique-t-elle au média en ligne Bianet :

“Je sais que nous ne sommes pas les bienvenus, nous essayons de vivre le plus isolé possible.”

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Ceux de ses cinq enfants en âge d’aller à l’université en sont privés par l’absence d’aides de l’État, et doivent donc travailler pour subvenir aux besoins de la famille. “Nous leur payons des cours de turc et nous leur interdisons de parler persan dans la rue”, explique Zeynep. Elle se dit inquiète d’un éventuel contrôle de police, où l’arbitraire qui règne pourrait conduire ses enfants dans un centre de rétention, alors même que leurs papiers d’identité sont en règle et qu’ils bénéficient théoriquement d’une protection internationale.

Elle explique être malmenée dans les transports en commun ainsi que par ses voisins qui arrosent ses vêtements mis à sécher sur leur balcon avec de l’eau de Javel. Son mari, lui, est battu par les travailleurs journaliers turcs qui voient en lui une nouveau concurrent. Alors qu’il est deux fois moins rémunéré que les travailleurs turcs, son mari se voit parfois refuser le paiement de son salaire par ses employeurs. Ces derniers refusent également de lui payer ses frais médicaux lorsqu’il est victime d’accidents du travail.

Quitter la Turquie, à leurs risques et périls

Face à cette situation, de plus en plus de réfugiés désirent gagner l’Europe mais se heurtent au contrôle strict exercé aux frontières depuis l’accord de 2016 entre la Turquie et l’Union européenne. Le 3 octobre, la préfecture d’Edirne a ainsi mis en place une clôture barbelée de 2,5 mètres de hauteur autour du parc de stationnement de poids lourds du poste-frontière avec la Bulgarie, pour éviter que des réfugiés ne tentent de se glisser illégalement sous les bâches des camions.

En dépit des risques, certains tentent de passer par la mer pour gagner les îles grecques. Après de nombreux naufrages meurtriers au mois de septembre, le quotidien Hürriyet rapportait le 6 octobre que 22 personnes ont péri lors du naufrage d’un bateau au large de Lesbos. Le même jour, au large de l’île de Cythère, un voilier avec 100 personnes à son bord coulait après avoir percuté des rochers, la majeure partie des naufragés ont été secourus mais 15 d’entre eux sont portés disparus.

Courrier International, 10 octobre 2022

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