Élections 2023 : Le choix impossible des femmes – Saime Tugrul / RADARGAZETE

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Il y a désormais, 4 députés de Hüda Par et 5 députés de Yeniden Refah Parti (Welfare Party) dans la Grande Assemblée nationale, qui compte 326 députés de l’Alliance Républicaine… Pour les femmes, ce nouvel ordre est un signal d’alarme qui annonce la fin des droits des femmes, que l’AKP tente peu à peu de détruire depuis des années. Par Saime Tugrul sur Radargazete du 24 mai 2023. Cet article est la traduction par l’autrice de sa tribune sur Radargazete. Pour l’accès à l’original cliquer ICI.

Nous savons tous que Hüda-Par était la devanture de l’organisation terroriste Hezbollah, qui a émergé dans la région du sud-est â partir de 1980. Le Hezbollah soutenue par l’État profond contre le PKK, est responsable de torture et assassinant des milliers de personnes. (Il convient de noter que cette organisation fondamentaliste musulmane sunnite n’a pas de lien avec le parti chiite  Hezbollah au Liban). Recep Tayyip Erdogan (RTE) a légitimé ce parti en le qualifiant de « national et local ». Il a ainsi réussi à se faire une place au Parlement sans même avoir eu besoin de dissimuler son passé Hezbollah.

L’autre parti islamique fondamentaliste, le Yeniden Refah Partisi, qui expose l’ombre d’une candidate sur les affiches des bus électoraux, prends place au Parlement avec 5 députés, prêts à s’accommoder des règles de la Charia…

Pendant des années, les idées des fondamentalistes et des confréries étaient portés et soutenues par AKP, le parti d’Erdogan avec des discours portant sur la famille, les valeurs traditionnelles et l’honneur des femmes. Aujourd’hui, grâce à l’AKP, leurs représentants ont pris place au Parlement.


Le programme de Hüda Par prévoit littéralement des mesures pour « trouver des propriétaires » (sic) aux femmes vivant seules, et Yeniden Refah, qui souhaite modifier le programme de l’Education Nationale pour donner la priorité aux valeurs et aux pratiques religieuses. Tous deux ont commencé à occuper l’espace public avant même l’ouverture du Parlement.

Les deux partis s’opposent, bien entendu,  à la loi n° 6284, qui vise à prévenir la violence à l’égard des femmes. Ils se plaignent que cette loi ne protège pas suffisamment les valeurs familiales et fait des hommes des victimes (!).

Entre ceux qui soutiennent que les femmes doivent avoir des propriétaires comme des animaux domestiques et ceux qui affirment que les hommes et les femmes ne peuvent pas s’asseoir côte à côte, nous sommes confrontés à l’horrible question « comment en sommes-nous arrivés là ? »

D’où vient-on et où va-t-on?

Pendant des années, la Turquie s’est vantée d’être le premier pays européen à accorder aux femmes le droit de vote et celui d’être élues au parlement (1934).  Lors des élections générales en Turquie en 1935, 17 femmes ont été élues députées dans la Grande Assemblée nationale turque. Grâce à la lutte des femmes, les taux de scolarisation des filles ont augmenté de manière significative, la mixité s’est généralisée et l’égalité entre les hommes et les femmes a été reconnue, au moins au niveau juridique, par le biais d’amendements au code civil.


Il n’y a pas si longtemps, en 2011, 45 pays, dont la Turquie, et l’Union européenne ont signé la Convention d’Istanbul, qui définit les normes et obligations fondamentales des États en matière de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Cette convention a t été brutalement rompue par le Président en 2021, sans l’aval du Parlement

Sans doute, le chemin était encore long, mais quand on pose les questions dont nous discutons aujourd’hui, malheureusement, la question est de savoir si l’aggravation de la situation des femmes de Turquie sera comparable â celle constatée dans les pays musulmans voisins.

Dans ces pays où la culture patriarcale est dominante, les femmes et surtout le corps féminin ont toujours été utilisés comme des objets du pouvoir masculin. Puisque ce sont les hommes qui surveillent et dominent les femmes, le corps féminin a également été construit dans le cadre des interdictions et des règles des hommes qui les surveillent et les contrôlent. Par exemple, selon la philosophe et écrivaine Nadia Tazi, dans la culture islamique, le chair et la femme se confondent comme deux pratiques interdites….: « L’accent est porté sur la mise à distance de la femme, objet de tous les désirs. Ce sont elles ……..qui représentent l’interdit, et auxquelles il revient de porter l’interdit à travers le voile » (2018, 220).

Tenter d’inclure les femmes comme une catégorie sociale à part dans le cadre juridico-légal est une manière d’élargir le champ des « interdits » dans cette lutte de pouvoir centrée sur les femmes.

Certes, comme l’a souligné Samim Akgönül dans son article sur les élections du 14 mai et le fondamentalisme à Radar, lorsque l’Alliance populaire reviendra au pouvoir, il n’y aura peut-être pas de retour direct à la charia dans le code civil, mais l’étau de la surveillance masculine autour des femmes dans la vie quotidienne va se resserrer.

Le 13 mai, la veille des élections, le Président qui est allé prier à Sainte-Sophie mais qui a également fait un discours sans respecter les règles électorales, s’est fait acclamer par un public d’hommes. Ces hommes qui criaient « l’épée est notre droit, voici l’armée, voici le commandant » étaient prêts pour mener le djihad des mœurs dans la sphère publique. Sûrement, les premières victimes de ce djihad fondamentaliste seront les femmes.

Pour nous les femmes, des jours difficiles nous attendent… Très difficiles.

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