Courrier International, 19 décembre 2025
L’achat auprès de Moscou de ces systèmes de défense antiaérienne, en 2017, au pic des tensions entre Ankara et ses alliés de l’Otan, avait entraîné son exclusion du programme de développement des avions de combat de dernière génération F-35 américains. Le présent Recep Tayyip Erdogan chercherait en ce moment à faire volte-face, sans pour autant froisser la Russie.
Dans une manœuvre destinée à se réconcilier avec ses partenaires de l’Otan sans fâcher la Russie, le président turc islamo-nationaliste, Recep Tayyip Erdogan, aurait demandé à son homologue russe Vladimir Poutine de récupérer les systèmes de défense antiaérienne russes S-400 achetés par la Turquie en 2017. Cette demande aurait été transmise lors d’une rencontre entre les deux dirigeants, le 12 décembre au Turkménistan, rapporte l’agence de presse financière Bloomberg.
Cet achat avait été effectué peu après la tentative de coup d’État de l’été 2016, au cours de laquelle le président turc avait reçu le soutien de son homologue russe, mais s’était senti insuffisamment épaulé par ses alliés de l’Alliance atlantique. En particulier les États-Unis, qui avaient refusé d’extrader l’imam Fethullah Gülen, ancien allié d’Erdogan accusé d’être derrière la tentative de coup d’État et réfugié aux États-Unis.
Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a officiellement démenti, jeudi 18 décembre, qu’une telle demande ait été faite par la Turquie, rapporte le quotidien turc Birgün. Une chose est certaine, Ankara, surfant sur les excellentes relations entre Erdogan et son homologue américain Donald Trump, tente de revenir dans les bonnes grâces de Washington pour obtenir, en particulier, la livraison des avions de combat de dernière génération F-35.
Le 10 décembre, l’ambassadeur américain en Turquie, Tom Barrack, un proche de Donald Trump, avait rappelé que, selon une loi américaine de 2017 visant à sanctionner les pays qui coopèrent militairement de manière significative avec les adversaires stratégiques des États-Unis, la Turquie devait, pour obtenir ces avions de dernière génération, se débarrasser des S-400.
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Toutefois, même si Ankara parvenait à se débarrasser des S-400, le Congrès américain devrait voter pour autoriser la vente des F-35, souligne le quotidien Hürriyet, qui estime que le temps presse, alors que les républicains risquent une défaite importante lors des élections de mi-mandat, en novembre 2026.
Vers l’Ukraine ou la Syrie ?
En 2022 et 2023, la Turquie avait refusé les propositions de l’ancienne administration américaine, celle de Joe Biden, visant à livrer ses systèmes de défense S-400 à l’Ukraine, afin de ne pas tirer un trait sur ses bonnes relations avec Moscou.
En 2024, la possibilité de déployer ces systèmes sur des bases militaires turques dans le nord de la Syrie, afin de dissuader les avions israéliens d’y opérer, avait également été évoquée, sans être mise en pratique. En avril, une de ces bases envisagées par Ankara dans la région de Homs avait été bombardée par Israël, soucieuse d’envoyer un message dissuasif.
Signe que la Turquie réfléchit depuis longtemps à l’emploi des S-400, le système, acquis pour 2,5 milliards de dollars (2,13 milliards d’euros), n’est toujours pas déployé et en service actif, ni intégré à l’architecture de défense antiaérienne turque dite du “dôme d’acier”. “Le système est prêt à être activé en cas de besoin”, a cependant rappelé un général de division en retraite interviewé par le site Internet de la chaîne de télévision Haber Global. C’est pourquoi, selon lui, “nous ne devons surtout pas nous débarrasser des S-400 sans avoir pu les remplacer par un système identique, nous pouvons en avoir besoin à chaque instant en cas d’escalade militaire avec la Grèce”.
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La défense antiaérienne turque a fait l’objet de récentes critiques et interrogations de l’opposition après que, le 15 décembre, un drone russe ou ukrainien a pénétré l’espace aérien turc en mer Noire, avant de progresser jusqu’aux environs de la capitale, Ankara, où il a été abattu par des F-16 de la chasse turque. “Toutes les procédures ont été respectées, et les allégations selon lesquelles notre système de défense antiaérien n’a pas fonctionné sont fausses”, a rétorqué le ministère de la défense, rapporte l’agence officielle Anadolu.
