« Les négociations pour permettre la levée du veto turc à l’adhésion des deux pays nordiques à l’Alliance atlantique progressent difficilement en raison des tensions entre Stockholm et Ankara. Les États-Unis tentent d’accélérer le processus en promettant la vente de quarante avions de chasse F-16 à la Turquie » rapporte Courrier International du 16 janvier 2023.
L’incompréhension voire la tension continuent de monter entre Stockholm et Ankara, qui bloque toujours l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Déjà, début janvier, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson déplorait lors d’une conférence de presse en compagnie du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, que la Turquie “[veuille] des choses que nous ne pouvons et ne voulons pas lui donner”.
Le 12 janvier, c’est une manifestation prokurde dans les rues de Stockholm qui a fait polémique, après que certains manifestants ont pendu à un pont un mannequin représentant le président turc Recep Tayyip Erdogan et diffusé la vidéo sur Internet.
L’action, critiquée par le Premier ministre suédois, a provoqué l’ire de la Turquie, qui a convoqué l’ambassadeur suédois, tandis que le procureur d’Ankara ouvrait une enquête. Le quotidien Sözcü rapporte que les autorités judiciaires suédoises n’ont, elles, pas jugé nécessaire d’entamer des poursuites. “C’est la preuve que les autorités suédoises n’ont pas, contrairement à ce qu’elles prétendent, pris des mesures contre le terrorisme”, s’est indigné sur Twitter Fahrettin Altun, ministre de la Communication et proche du président turc.
Des extraditions demandées par Ankara
Sous la pression de la Turquie, les deux pays avaient signé l’été dernier un mémorandum affirmant leur prise en compte des préoccupations sécuritaires d’Ankara. Mais la simple levée d’un embargo sur les ventes d’armes à la Turquie n’a pas suffi à Ankara, qui reproche à la Suède d’abriter des “terroristes” et demande l’extradition de ses opposants.
En décembre, les autorités suédoises ont procédé à l’expulsion vers la Turquie d’un opposant politique kurde qui n’était pas parvenu à obtenir l’asile politique.
En revanche, la Cour suprême du pays a rejeté en décembre quatre demandes d’extradition, dont celle du journaliste Bülent Kenes, ex-rédacteur en chef du quotidien Today’s Zaman et proche de la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, ancien allié d’Erdogan devenu l’une de ses bêtes noires.
Bien que Stockholm ait accepté d’entamer une révision constitutionnelle pour adapter son arsenal antiterroriste à la vision d’Ankara, l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Alliance militaire atlantique devra probablement attendre jusqu’après les élections turques, a déclaré le porte-parole et conseiller en chef d’Erdogan, Ibrahim Kalin.
Washington tente d’accélérer le processus
La levée du veto doit en effet être ratifiée par le Parlement turc, qui partira en vacances avant le début des élections législatives et présidentielle prévues au mois de juin (mais dont le conseiller espère qu’elles seront décalées à la mi-mai), précise le média en ligne Middle East Eye. Stockholm ne disposerait donc que de “huit à dix semaines” avant la pause parlementaire pour effectuer ces changements législatifs, a déclaré Ibrahim Kalin :
“L’opposition risque de poser toutes sortes de questions si nous demandons le vote du Parlement avant que ces changements n’aient été effectués.”
Washington tente de son côté d’accélérer le processus et met une vente d’armes dans la balance. Le ministre des Affaires étrangères turc est attendu le 18 janvier dans la capitale américaine, où il devrait notamment s’entretenir avec son homologue américain concernant l’achat d’avions de chasse américains. “Nous nous attendons à ce que cette vente se fasse sans accrocs”, a déclaré le ministre des Affaires étrangères turc, dont les propos sont rapportés par le quotidien Birgün.
Mais si l’administration Biden vient de réitérer ses déclarations favorables à la vente de quarante F-16 à Ankara, le sénateur démocrate Bob Menendez, chef du comité des affaires étrangères du Sénat, dont un vote doit venir approuver ces ventes, a de son côté réaffirmé son opposition. Il évoque notamment la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Turquie, et des menaces militaires fréquentes d’Ankara envers les Kurdes de Syrie, alliés de Washington contre l’État islamique, et envers la Grèce, aussi membre de l’Otan, mentionne le site américain Politico.
Courrier International, 16 janvier 2023, Photo/Murat Cetin Muhurdar/AFP