« Münevver Andaç (1917-1998), une passeuse des lettres turques en Europe » Esther PEDARROS

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Dans la série “Work in Progress” de l’Observatoire de la Turquie contemporaine Esther Pedarros, étudiante en Master2 à l’INALCO (en Arts et Littérature) publie une courte recherche sur Münevver Andaç, grande traductrice des chefs d’oeuvre de la littérature turque dont le poète Nazim Hikmet fut le compagnon.

Münevver Andaç (1917-1998), une passeuse des lettres turques en Europe, Esther Pedarros

On a trop facilement tendance à penser qu’en lisant l’œuvre publiée en France de Nâzım Hikmet, de Yaşar Kemal ou encore celle de notre contemporain Orhan Pamuk, notre imaginaire entre directement en symbiose avec celui de l’écrivain étranger, comme si cette rencontre était une évidence. Ainsi, on  ne se pose que trop rarement la question de la traduction, si discrète qu’elle frise l’invisibilité. D’ailleurs, lorsque nous considérons la couverture du livre traduit, notre regard est généralement dirigé vers le nom de l’écrivain d’origine, au point d’oublier presque systématiquement d’identifier celui du traducteur, comme si son nom n’avait aucune valeur littéraire ou symbolique. Pourtant, en découvrant et explorant l’œuvre de ces trois grands auteurs, considérés comme représentant le mieux la Turquie moderne en France, on peut remarquer la mention récurrente  « Traduit du turc par Münevver Andaç ».

 Ainsi, sur les couvertures, le nom de l’auteur et de la traductrice paraissent inextricablement liés par un jeu d’interdépendance. On peut dès lors spéculer sur la relation réelle existant entre ces deux acteurs littéraires, apparaissant sur la couverture si inséparables et pourtant où l’un reste dans l’ombre de l’autre. On s’interroge ensuite sur ce nom : qui est donc cette femme turque du nom de Münevver Andaç, qui ne semble avoir laissé d’elle que la trace rouge de son nom sur la célèbre collection blanche de la maison d’édition française Gallimard ? Comment expliquer cette curiosité ? On peut la justifier par une volonté de mieux connaître ce qui se cache derrière une oeuvre littéraire turque traduite. Autrement dit, de concevoir une oeuvre littéraire turque en langue française comme le produit d’intenses relations sociales et intellectuelles entre des acteurs (médiateurs) à la fois turcs et français. D’autre part, vouloir écrire la biographie d’un grand traducteur, c’est aussi s’engager à valoriser la trajectoire et la tâche de ces passeurs dans l’historiographie littéraire turque. Par ailleurs, si l’on décide de retracer le parcours de la traductrice franco-turque Münevver Andaç, on choisit en même temps de mettre en lumière l’itinéraire exceptionnel d’une femme restée dans l’ombre. En d’autres termes, s’intéresser à Münevver Andaç, c’est aussi défendre l’importance jouée par les médiateurs littéraires dans les historiographies littéraires et défendre le rôle des  femmes dans  cette historiographie et dans la vie intellectuelle.

Cependant, l’étude biographique d’une individualité féminine telle que Münevver Andaç, qui avait choisi la discrétion, et n’ayant par conséquent rien écrit ni publié sur elle-même, se présente comme un travail complexe. En effet, le corpus de sources à exploiter ne se situe absolument pas à travers une trace écrite du discours que l’individualité a pu établir d’elle-même sur elle-même, acceptant le fait qu’elle n’ait laissé ni autobiographie, ni mémoires, ni journal intime… En effet, on remarque que l’individualité de Münevver Andaç s’avère finalement insaisissable, à la fois dans les sources écrites, orales et iconographiques ; des sources laissées par d’autres individualités l’ayant connue directement ou indirectement. Parmi les personnalités faisant mention de Münevver on trouve bien sûr Nâzım Hikmet, mais aussi Abidine et Guzine Dino[1], Zekeriya et Yıldız Sertel, Peride Celal, Yaşar Kemal, Orhan Pamuk, Gaye Petek[2], Utku Varlık… On  peut parvenir à cerner la personnalité de Münevver Andaç à travers le discours produit par  une pluralité d’individualités appartenant à un réseau social et culturel relativement cohérent.

 Cet article ne vise pas à considérer Münevver Andaç comme l’une des compagnes et muses du grand poète turc Nâzım Hikmet, et donc de l’appréhender comme  » une femme de ». Autrement dit, de la considérer comme dépendante d’un homme dans l’histoire culturelle et littéraire turque. D’ailleurs, il est difficile de ne pas tomber dans ce piège, sachant que la plupart des informations concernant Münevver Andaç se concentrent en grande majorité dans des textes consacrés à la vie de Nâzım Hikmet. En effet, c’est notamment dans la biographie du poète co-écrite par Saime Göksu et Edward Timms que l’on trouve tout un chapitre consacré à la place de Münevver Andaç dans la vie du poète. On trouve également des informations sur la vie de  Münevver dans divers fragments des mémoires de la famille Sertel, qui relatent d’abord leur relation entretenue avec le poète Nâzım Hikmet en exil dans l’ouvrage intitulé  Mavi Gözlü Dev : Nâzım Hikmet ve Sanatı[3]  ou encore dans  le livre publié par  Yıldız et Sabiha Sertel ,  intitulé Sertellerin Anılarında Nâzım Hikmet ve Babıali[4].

 Mais on a pu récemment constater, de la part de femmes journalistes turques surtout, une nouvelle curiosité pour la vie de Münevver  Andaç, indépendamment de celle du poète.Hikmet. Malgré des études de plus en plus nombreuses concernant l’histoire des femmes puis l’histoire des « transferts culturels et littéraires » dans le milieu académique turc et français spécialisé sur l’aire culturelle turque, aucune étude n’a été jusqu’à ce jour réalisée sur cette personnalité féminine pourtant activement investie dans la diffusion des oeuvres turques à l’étranger. Il est d’ailleurs intéressant de mener une étude sur Münevver en la considérant en tant que médiatrice entre le champ littéraire national «de départ» et celui «d’arrivée» – en l’occurrence français. Définie comme intermédiaire et relais dans ce processus, la médiatrice possède certaines ressources sociales, politiques et culturelles qu’il s’agit d’analyser et de mettre en relation avec le domaine qu’elle a contribué à diffuser.

Une trajectoire déterminante pour sa vocation de médiatrice littéraire

            Münevver Andaç est née le 12 février 1917 à Sofia, en Bulgarie. Elle est issue d’un mariage franco-turc : la mère, du nom Gabrielle Taron est française et originaire de Marseille. Le père, d’abord appelé Mustafa Celaleddin, est Ottoman avant de servir le combat national turc . Proche de Mustafa Kemal, celui-ci lui recommanda d’adopter un nouveau nom de famille aux sonorités bien turques, « Andaç » dont hérita Münevver. Le père de Münevver, que l’on nomma « Mustafa Celaleddin Andaç » prit en réalité le nom de son grand-père « Mustafa Celalettin », un grand-père d’origine polonaise, turquifié et converti à l’islam, qui s’appelait initialement « Konstanty Borzekçi » (ou Borjenski). Il est aussi le frère de Celile Hanım, mère du poète Nâzım Hikmet. Par conséquent, Münevver Andaç est la cousine du poète. Le père de Münevver Andaç était chargé d’affaires à l’ambassade turque de Sofia en Bulgarie jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale. Après son décès au début des années 1920, la mère de Münevver décide de retourner en France avec ses deux filles, Leyla et Münevver. C’est donc à Paris puis Marseille que Münevver Andaç reçoit son éducation et instruction française.

            C’est seulement après avoir fini ses études secondaires en France puis en Italie, que Münevver découvre son pays paternel pour la première fois en 1935. Elle est alors placée chez sa tante parternelle turque, Sare Hanım. Elle rencontre aussi son autre tante, Celile Hanım (la mère de Nâzım Hikmet), quant à elle peintre, linguiste et pédagogue turque. Münevver Andaç commence ensuite à suivre des études de droit à la Faculté d’Istanbul sous les recommandations de Ali Fuat Cebesoy. Afin de gagner sa vie, elle décide aussi d’enseigner la langue française à des étudiants turcs. Après plusieurs années passées à Istanbul, Münevver intègre un réseau social turc d’intellectuels, d’écrivains et d’artistes. C’est dans ce contexte que  Münevver Andaç rencontre le poète Nâzım dans le yalı de Kuzguncuk, lors d’une réception familiale. La cousine de Nâzım Hikmet deviendra l’une de ses amantes et de ses muses. Mais Nâzım Hikmet et Münevver Andaç partagent un lien fort : le même arrière grand-père d’origine polonaise, Konstantin Borjenski, grand turcophile du XIXème siècle, converti à l’islam, et qui prit une identité ottomano-turque à la fin du XIXème siècle. Rappelons qu’un autre grand poète turc du XXème siècle, Oktay Rifat, se révèle également le cousin de Nâzım Hikmet et de Münevver Andaç [5], ce qui met quelque peu en lumière les réseaux intellectuels post-ottomans.

Cette descendance polonaise commune que partage Münevver Andaç nourrit un poème assez évocateur intitulé Lettres de Pologne :

« Ma bien aimée, fille de mon oncle, mère de mon petit Mehmet l’un de nos aïeuls était exilé polonais de 1848

c’est peut-être pour cela que tu ressembles à cette belle de Varsovie
comme une sœur jumelle
c’est peut-être pour cela que j’ai la moustache blonde et suis d’aussi haute taille que

notre fils a les yeux d’un bleu si nordique
Peut-être pour cette raison cette plaine me rappelle-t-elle

nos plaines d’Anatolie
Ou pour cela que cette chanson polonaise

s’écoule doucement en moi comme une rivière qui dort dans la pénombre Semblable à l’un de nos parents venus de la Pologne
Dans ses yeux l’obscurité de la défaite

Les nuits d’insomnie de mon parent Borjenski
Homme aux cheveux roux et déchaîné comme un diable

Doivent ressembler aux nôtres »

            En 1945, Münevver Andaç épouse Nurullah Berk, peintre et professeur à l’Académie des Beaux-arts d’Istanbul. Un an plus tard, en 1946 elle donne naissance à sa première fille , Renan. C’est au cours de cette période que Münevver Andaç rencontre la romancière Peride Celal dans les bureaux de la Société Electrique (« Elektrik Şirketi »). Elles y travaillent ensembles comme secrétaires. Une intense relation amicale et intellectuelle s’installe entre les deux femmes, au point que Münevver Andaç devint une source d’inspiration première pour les personnages féminins de Peride Celal dans plusieurs de ses romans tels que Üç Kadının Romanı (1954), Kırkıncı Oda (1958) ou encore Kurtlar (1990). Münevvver y incarne la figure de la femme moderne et indépendante turque.

            Alors que le communisme ainsi que tous les partis et idées socialistes sont proscrits depuis 1946, Münevver Andaç décide de reprendre contact avec Nâzım Hikmet, quant à lui incarcéré dans la prison de Bursa, ainsi qu’avec tout son réseau social et intellectuel « socialiste ». Elle lui rend régulièrement visite en prison, apportant revues et magazines, livres de littérature turque et étrangère. C’est dans ce contexte que  Münevvver Andaç fréquente le couple de journalistes Vâlâ et Müzehher Nurettin[6], mais aussi avec Sabiha et Zekeriya Sertel. A la sortie de Nazım Hikmet de prison, ils s’installent ensemble à Erenköy (sur la côte asiatique d’Istanbul), où elle donnera naissance à leur fils, Mehmet. Münevver Andaç rencontre alors Guzine et Abidine Dino, puis le peintre İbrahim Balaban. Durant toute la décennie des années 1950, alors que Nâzım Hikmet est exilé en URSS depuis 1951, Münevver Andaç demeure en Turquie et y rencontre de nombreuses personnalités littéraires de la veine « socialiste » et opposée au pouvoir de Adnan Menderes : Kemal Tahir et Orhan Kemal entre autres.. C’est ensuite grâce à son travail de médiatrice littéraire par correspondance depuis la Turquie, qu’elle entre en contact indirect avec tout le milieu littéraire internationaliste et socialiste français des années 1950 : Louis Aragon et Elsa Triolet, Charles Dobzynski… Du fait de ces relations, dans un contexte politique et idéologique turc clairement « anti-communiste, »  Münevver Andaç fait l’objet d’une forte surveillance policière. En 1961, grâce aux contacts internationaux de Nâzım Hikmet, Münevver Andaç rencontre à Istanbul une figure importante de la résistance socialiste italienne : Joyce Salvadori Lussu. Les deux femme se lient d’amitié et Joyce Lussu organise son « exil clandestin » depuis la Turquie anti-communiste vers la Pologne. Arrivée à Varsovie en 1961, après un voyage aux nombreuses péripéties, Münevver Andaç intègre directement le milieu intellectuel et universitaire polonais : elle accepte d’ enseigner la langue et la littérature turques modernes au département de turcologie à l’Université des Langues Orientales de Varsovie. Ce n’est qu’au début des années 1970 que Münevver Andaç décide finalement de revenir en France, dans le pays de sa mère, avec son fils Mehmet. Elle retrouve alors le milieu des « exilés intellectuels et artistes turcs » réunis autour du quartier de Montrouge ou du Boulevard Raspail dans les VIe et XIVè arrondissements de Paris : elle rencontre Fahri et Gaye Petek, retrouve Guzine et Abidine Dino, rencontre des peintres turcs exilés à Paris tels que Mübin Orhon, Komet, le caricaturiste Sinan Bıçakçı… Mais en France, Münevver Andaç croise aussi le chemin de son amie Mina Urgan, elle aussi connue comme figure intellectuelle et littéraire importante du XXème siècle en Turquie. Comme Münevver Andaç, Mina Urgan est très active dans les mouvements de traduction, surtout depuis l’espace littéraire anglais vers l’espace littéraire turc : elle traduisit une partie de l’oeuvre de Shakespeare, de Thomas Malory, Henry Fielding, Aldous Huxley, Graham Greene, William Golding et John Galsworthy. Münevver Andaç découvre aussi tout un milieu littéraire français composé de Charles Dobzynski, André et Madeleine Malraux, Claude Roy.

            On voit que les relations entretenues avec un milieu littéraire turc « spécifique », celui des écrivains de gauche a directement eut une influence sur la littérature qu’elle a contribué à diffuser. En définitive, Münevver Andaç fit de ses ressources familiales et sociales puis de ses différentes expériences de migrations et d’exil, un véritable atout de communication littéraire entre la Turquie et l’Europe dans un contexte global de Guerre Froide.

Münevver Andaç dans l’historiographie littéraire turque : Le rôle des médiateurs littéraires turcophones dans l’affirmation de l’espace littéraire turc moderne dans le monde.

            Si l’on reprend les idées développées par de nombreux sociologues de la littérature, et notamment celles de Pascale Casanova, la connaissance d’une langue littéraire dominante (comme la langue française par exemple) constitue un élément important dans ce processus d’intégration d’un nouvel espace littéraire turc moderne et « occidentalisé ». Ainsi, bien que la connaissance du français par Münevver Andaç puisse d’abord sembler anecdotique, elle revêt pourtant une importance significative dans la période de reconstruction littéraire turque dans les années 1930. D’autre part, la chercheuse Özlem Berk, spécialiste des « Translation Studies » à l’Université d’Istanbul, affirme dans son ouvrage Translating the West: The Position of Translated Western Literature within the Turkish Literary Polysystem (2007), que les renaissances ou reconstructions littéraires au 20e siècle, passent nécessairement par l’étape d’une certaine imprégnation des « littératures centrales », entre autres par la traduction des classiques de ces littératures Selon elle, ce mouvement de traduction, accompagné d’une diffusion de la langue française constitue une étape primordiale dans le processus de légitimation et d’autonomisation de l’identité turque, de sa langue et de sa littérature.

            Dans un article de presse récemment écrit par la journaliste Sezen Aydemir consacré à la vie intellectuelle de Münevver Andaç pour la revue littéraire Kitap-lık[7]  l’auteure révéle l’existence d’une correspondance exceptionnelle entre le poète Nâzım Hikmet et Münevver Andaç. Cette correspondance a été en partie conservée par un certain Melih Güneş, membre de  » Nâzım Hikmet Kültür ve Sanat Araştırma Merkezi » ( « Centre de recherche artistique et culturelle Nâzım Hikmet ») à l’Université de Boğaziçi à Istanbul. L’autre partie de la correspondance (comprenant la majorité des lettres envoyées par Munevver Andaç elle- même) aurait été conservée aux archives de Moscou dans la section « Nâzım Hikmet ». Le contexte politique dans lequel se déroule cette correspondance est important à souligner. : la correspondance contient plus de 800 lettres échangées entre Münevver Andaç et Nâzım Hikmet entre 1955 et 1961. La correspondance n’eut lieu qu’à partir de 1956, du fait des interdictions de correspondance imposées aux « communistes » présents en Turquie. Ce n’est que par un accord négocié entre Henry Spaak, le ministre belge des Affaires Etrangères et le gouvernement de Adnan Menderes, sous les sollicitations de Nâzım Hikmet, que la correspondance avec Münevver Andaç a pu être autorisée. Dès 1955, commença alors la longue et intense correspondance entre  Münevver et Nâzım. Les lettres étaient transmises par l’intérmédiaire de Zekerya Sertel[8], journaliste et publiciste  turc important du XXème siècle.

            Le contenu de la correspondance est très riche et diversifié. D’une part, on trouve bien- sûr les « lettres intimes » dans lesquelles il est possible de lire certaines anecdoctes intéressantes concernant la vie culturelle, sociale et intellectuelle à Istanbul dans les années 1950; les effets directs de l’anti-communisme turc sur la vie personnelle de ceux qui sont fichés comme étant « communistes », sur l’exil d’un poète turc comme Nâzım Hikmet en URSS. D’autre part, on trouve toute une correspondance « professionnelle » nous dévoilant certains rouages et dynamiques de la médiation littéraire dans un tel contexte : La correspondance Münevver Andaç-Nâzım Hikmet, à la fois intime et professionnelle, s’impose comme un exemple représentatif d’une communication littéraire entre la Turquie littéraire « socialiste » et le monde littéraire « socialiste » dans les années 1950.  De plus, il est surprenant de voir comment l’image de Münevver Andaç, à travers la poésie épistolaire de Nâzım Hikmet inspirée de cette correspondance, a voulu symboliser la présence littéraire turque moderne dans un certain milieu littéraire international : « (…) Que c’est drôle. En Allemagne, dans les villes de Dresde et de Leipzig, dans le grand salon de l’Université, a été lue en langue allemande l’une de tes lettres transformées en poème : « Lettre d’Istanbul ». Ils ont dit « Münevver » de façon si curieuse ! Tu ne peux pas savoir à quel point entendre ton prénom prononcé avec l’accent allemand m’a ému. (…) ».

            La dimension professionnelle de la correspondance semble mettre en lumière les possibles « stratégies » entreprises par certaines personnalités littéraires (écrivains et médiateurs littéraires) issues des « petites littératures », afin de défendre leur visibilité et valeur littéraire dans le monde; et confirme ainsi les idées développées par Pascale Casanova :

            « Pour accéder à la simple existence littéraire, pour lutter contre cette invisibilité qui les menace d’emblée, les écrivains ont à créer les conditions de leur apparition, c’est à dire leur visibilité littéraire. La liberté créatrice des écrivains venus des « périphéries » du monde ne leur a pas été donnée d’emblée : ils ne l’ont conquises qu’au prix de luttes toujours déniées comme telles au nom de l’universalité littéraire et de l’égalité de tous devant la création, et de l’invention de stratégies complexes qui bouleversent totalement l’univers des possibles littéraires.(…) »[9].

            Les poèmes de Nâzım Hikmet ont été ensuite traduits vers le russe par des amis proches, turcologues de l’ex-Union Soviétique : Ekber Babayev ou Muza Pavlova. Ils se révèlent des médiateurs littéraires particulièrement intéressants pour diffuser et promouvoir la littérature turque dans le monde russe puisque d’origine azéri, ils sont à la fois turcophones et russophones. Il faudrait pour finir mentionner l’existence d’un autre médiateur littéraire important établi en France : il s’agit du poète Charles Dobzynski.

 Lui-même poète, traducteur et éditeur chez Editeurs Français Réunis, une maison soutenue par le P.C.F., a aussi contribué à consacrer l’oeuvre de Nâzım Hikmet et de quelques autres auteurs turcs contemporains.

            Dans certaines lettres envoyées à la fin des années 1950, Nâzım Hikmet informe   Münevver Andaç de l’avancée de la circulation des oeuvres littéraires turques dans le monde littéraire:

« (…) Le roman de Kemal Tahir compte être bientôt sérialisé dans une revue littéraire française. Ta traduction est très appréciée en France. Vous ne pouvez pas savoir combien je suis fier de vous deux. Ensuite, sera certainement imprimé dans une autre revue les poèmes de Oktay, de Veli et de Melih Cevdet. Le roman de Yachar Kemal compte être traduit pour l’Unesco, et j’ai entendu dire, en langue française.Il semblerait que la littérature turque commence à conquérir le monde. Quelle bonne chose. Ainsi, les poèmes de nos poètes, les nouvelles de Sabahattin, ainsi que celles de Sait Faik, commenceront à brandir avec honneur et fierté le drapeau de l’art turc. (…) » .

            La hiérarchie existante dans l’espace mondial des lettres est quelque peu connotée dans certaines lettres. Il est vrai que la priorité des consécrations littéraires semblent d’abord orientées vers les maisons d’édition françaises, pour ensuite connaître le même engouement dans les maisons d’édition soviétiques :

« (…) Ince Memed a bien été publié en langue russe à Moscou. La troisième impression dépasse les cent mille. Traduire vers la langue russe les romans et poèmes de Turquie, signifie dans circonstances actuelles, garantir leur traduction dans plusieurs autres langues mineures . Cela signifie aussi, faire apprécier « notre pays » par le biais de nos romans et de notre poésie à des milliers d’hommes dans le monde. (…) ».

            Les lettres informent donc sur un intérêt croissant du milieu littéraire russe pour les lettres turques. Cette curiosité russe exceptionnelle pour la littérature turque serait peut- être l’effet de l’exportation à la fois de l’œuvre de Nâzım Hikmet le communiste, mais aussi de celle des auteurs turcs contemporains, exportation à laquelle a pu contribuer cette correspondance. Si les grands médiateurs, souvent polyglottes comme ce fut le cas de Münevver Andaç, se conçoivent comme des sortes d’agents de change dans l’espace mondial littéraire, chargés d’exporter d’un espace littéraire à l’autre des textes, dont ils fixent, par là même la valeur littéraire ; il n’est pas étonnant que le traducteur français Valéry Larbaud ait décrit les lettrés polyglottes et cosmopolites du monde entier, comme les membres d’une « société invisible : « (…) Il existe une aristocratie ouverte à tous, mais qui n’a jamais été nombreuse en aucun temps, une aristocratie invisible, dispersée, dépourvue de marques extérieures , sans existence officiellement connue, sans diplômes et sans lettres patentes, et pourtant plus brillante qu’aucune autre ; sans pouvoir temporel et qui cependant détient une puissance considérable et telle qu’elle a souvent mené le monde et disposé de l’avenir . (…) ».

Traduire et consacrer l’oeuvre des grands écrivain turcs : Munevver Andaç affirme sa vocation de « médiatrice littéraire » turque en France.

            Une étude sur les activités littéraires de Münevver Andaç à Paris de l’aube des années 1970 aux années 1990 aux côtés de Guzine Dino permet de comprendre de quelle façon des auteurs tels que Nâzım Hikmet, Yaşar Kemal et Orhan Pamuk ont pu devenir des « classiques » de la littérature turque contemporaine à la fois en France et en Turquie. Loin de vouloir polariser la « canonisation » de ces trois auteurs turcs sur le travail de Münnever Andaç et de Guzine Dino, on ne peut cependant nier leur rôle dans ce processus. Guzine Dino raconte l’aventure de traduction vécue en compagnie de  Münnever Andaç, pour réaliser ensemble une anthologie française de la poésie de Nâzım Hikmet pour Gallimard. L’anthologie fut publiée en 1997 sous le nom de Il neige dans la nuit (Poésie Gallimard, 1997). L’épilogue de l’ouvrage en question a été écrit conjointement par Guzine et Münevver, tandis que la préface est signée du grand écrivain français ami de Nâzım Hikmet : Claude Roy.

            Par ailleurs en 1974, grâce à la relation à la fois amicale et professionnelle entretenue par les deux femmes, Guzine Dino aurait poussée Münevver Andaç à prendre le relais de la traduction de la quasi-intégralité de l’oeuvre de Yaşar  Kemal pour Gallimard. Münevver Andaç rencontre alors Yannick Guillou, le directeur de la collection « Du monde entier» , chez Gallimard , à l’occasion de la publication en français du roman Ince Mehmet de Yaşar Kemal. Guzine Dino souligne bien la dimension très hautement ethnologique représentée par le travail de traduction de Yaşar Kemal dans la mesure où il s’agit de reconvertir une langue profondément locale, anatolienne, enracinée dans une culture spécifique vers la langue française qui ne peut nécessairement pas contenir ces éléments de la culture d’origine. C’est d’ailleurs pour la traduction de l’oeuvre de Yaşar Kemal que Münevver Andaç reçut un premier prix de traduction en 1987 : le prix de traduction « Halpérine-Kaminsky ». Ayant de cette façon su imposer sa place dans la maison d’édition Gallimard, comme l’une des grandes représentantes des lettres turques en langue française, elle en vint par la suite à traduire les premiers romans de Orhan Pamuk comme  La Maison du Silence (1988), Le Livre Noir ( 1994) ,  Le château blanc ( 1996), La vie nouvelle (1998) . En 2006, Orhan Pamuk obtient le prix Nobel de littérature, devenant ainsi le premier Turc à recevoir cette prestigieuse distinction. Dans le témoignage de Orhan Pamuk a accordé à la journaliste Zeynep Bayramoğlu sur la nature de sa relation avec Münevver Andaç, ressort l’autorité littéraire symbolique que peut acquérir un traducteur reconnu. Orhan Pamuk n’hésite pas à insister sur l’autorité de la traductrice sur le traducteur : « O kadar akıllıydı ki, ondan korkardım… » (Traduction : Elle était si brillante qu’elle me terrorisait). D’après le témoignage de Yannick Guillou concernant la place de Münevver Andaç chez Gallimard, toute l’équipe reconnaissait la grande maîtrise du travail de traduction de Münevver. Selon lui, elle a réussi à approcher en français l’univers magique et épique propre à l’imaginaire de Yachar Kemal, et à rendre honneur au style et à la dynamique intrinsèque de l’oeuvre de Orhan Pamuk. Elle a su valoriser et mettre en avant la beauté et la grandeur de l’écriture de ces deux écrivains en s’appuyant sur la richesse de la langue française.

            En définitive, Munevver Andaç , ainsi que l’ensemble des personnalités turcophones  ici mentionées  ayant  croisé le chemin de la traductrice, ont ensembles contribué  à consolider les affinités culturelles, littéraires et artistiques entre la Turquie et la France au cours du Xxème siècle . Leur engagement respectif dans différents domaines de la vie culturelle turque, ainsi que leur expérience migratoire vers la France mise au service de « transferts culturels et littéraires »,  a  grandement participé à consolider les liens d’amitié entre les deux pays. De plus, l’ensemble de ces personnalités ont partagé une appartenance à un  même milieu  particulier ( celui des exilés inetllectuels et artistes turcs opposés au pouvoir démocrate de Adnan Menderes et à sa dérive autoritaire dans les années 1950) . De plus, leur regroupement dans des lieux spécifiques de la capitale parisienne comme le Quartier Latin, le Boulevard Raspail ou encore le XIVème arrondissement ne fait qu’affirmer l’idée selon   laquelle l’ensemble de ces personnalités constituent une communauté  à part entière : celle de la communauté turque de la Rive Gauche à Paris. . D’ailleurs, il pourrait être intéressant de mentionner une thèse de doctorat de Salih Babayigit, intitulée  » L’immigration turque en France entre 1880-1980: aspects politiques culturels et artistiques  » ( Université de Strasbourg, 2013. Français )  dans laquelle il réfléchit sur les différents avantages  à la fois de relation et communication culturelle entre les deux pays, à travers l’analyse de multiples  figures et expériences   d’exils  intellectuels  turcs en France . Toute une partie de l’analyse est justement consacrée aux migrations intellectuelles turques entre les années 1950 et 1970, et présente en détails les trajectoires des de Sabiha, Zekerya et Yıldız Sertel, mais surtout celles de Nâzım Hikmet, Guzine et Abidine Dino, Neriman et Fahri Petek, sur leurs façons de s’intégrer aux milieux culturels français de l’époque, d’oeuvrer d’une façon ou d’une autre pour les relations intellectuelles, culturelles, littéraires et artistiques entre la France et la Turquie, mais aussi de consolider les liens au sein de la communauté exilée de Turquie à Paris. La figure de Münevver Andaç n’y est pas vraiment présentée, et pourtant elle aurait pu constituer un cas particulièrement intéressant pour éclaircir des explications sur les grands transferts littéraires turcs en France favorisés par l’expérience migratoire d’une femme de lettre turque et francophone, comme ce fut aussi le cas de Guzine Dino.

            Pour ce qui concerne l’ oeuvre de traduction de Münevver Andaç, il est difficile de donner des affirmations concernant les choix  ou les non choix de  ses traduction . On peut seulement se poser la question suivante : Comment pouvons nous comprendre les causes ayant amené Münevver Andaç à consacrer l’ oeuvre de Nâzım Hikmet, puis  celle de Kemal Tahir, Orhan Kemal, Yachar Kemal et enfin Orhan Pamuk?  Nous pouvons seulement émettre quelques hypothèses et déductions fondées sur le contenu de la correspondance avec Nâzım Hikmet,  ainsi que sur les différents  témoignages rapportés par Guzine Dino ou par Gaye Petek par exemple. D’après ce que disent  la correspondance et les témoignages, on peut au moins être certain d’un des objectifs que Münevver eut certainement en tête en traduisant : Faire connaître et reconnaître l’espace littéraire turc moderne dans le monde. Cette  » lutte » entreprise par les auteurs ainsi que par les médiateurs littéraires repose sur certaines conditions mises en lumière et analysées par Pascale Casanova dans son livre sur les dynamiques complexes de l’espace mondial littéraire : on pense premièrement à la tension parfaite entre localisme et universalisme détéctée dans un texte littéraire – mais aussi aux stratégies méticuleuses déployées par les auteurs pour s’adapter à des tendances littéraires mondiales classiques et/ou contemporaines. Par conséquent, Münevver a-t-elle sans doute su déceler dans les textes de ses auteurs de prédilection une capacité à séduire un lectorat mondial à un certain moment donné. De plus, s’interroger sur les choix de traduction de Münevver parmi les auteurs turcs contemporains, nous offre une nouvelle façon de considérer les auteurs et leurs oeuvres – c’est-à-dire à travers le regard particulier du médiateur littéraire. Par exemple, si l ‘oeuvre  romanesque de Yaşar Kemal est reconsidérée en fonction de son intégration à l’espace modial de la littérature, on en  vient à repenser l’équilibre entre local et universel dans ses textes – ainsi qu’à ses différentes stratégies et innovations littéraires, pour s’adapter à un espace littéraire mondial moderne et eurocentré. Par exemple, on apprend dans les entretiens entre Yaşar Kemal et le français Alain Bosquet [10] que l’auteur turc a su s’approprier les stratégies narratives, techniques et formelles de William Faulkner, permettant de réconcilier  l’esthétique la plus moderne avec les structures sociales et les paysages anatoliens traditionnels. De nombreux auteurs du monde comme l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa ou algérien Boudjedra avaient eux même exploré à leur façon cette innovation littéraire diffusée mondialement. Il en est de même pour le choix de traduction de Orhan Pamuk, qui lui aussi déploie stratégies littéraires pour assurer son équilibre entre local et universel : L’ouvrage de Elise Duclos, intitulé Orhan Pamuk et la littérature mondiale[11]  développe en deux parties ce qui constitua l’ambiguité d’un auteur appartenant à un « champ littéraire périphérique » et qui souhaite s’intégrer à l’univers littéraire : la première partie fut consacrée aux « stratégies d´un auteur excentré », la seconde à l´assimilation par l´auteur d´un canon littéraire occidental.

             Enfin, l’objectif de cette étude  était aussi de faire reconnaître la grande contribution des femmes à l’histoire intellectuelle et littéraire turque du XXème en mettant en lumière leur trajectoire vouée en partie à la traduction, à l’enseignement, et à la littérature… Il aurait été possible à cette occasion de mettre en perspective la figure de Münevver Andaç à celle de Guzine Dino et Mina Urgan – autrement dit trois femmes de lettres ayant  joué un rôle notable dans la construction de l’espace littéraire turc moderne. Bien qu’elles ne fussent ni poètes, romancières ou dramaturges, elles ont cependant enseigné la Littérature turque et étrangère dans les universités turques, françaises et polonaises – et ont été actives dans les processus de transfert littéraire et traduction.

Références bibliographiques

AYDEMIR  Sezin, « Boğaziçi’nden bir Münevver Hanm . Munevver Andaç », ( trad.« Une dame intellectuelle du Bosphore. Münevver Andaç ») in : Kitap-lık n°195, Yapı Kredi Yayınları, Istanbul, janvier-février 2018, pp.4-19.

AYDEMIR Sezin, « Kırkıncı Oda’yı açmak: Peride Celal-Münevver Andaç » (trad. « Ouvrir la quarantième porte : Peride Celal- Münevver Andaç »), in : T24 Bağımsız Internet Gazetesi.

BAYRAMOĞLU Zeynep, « Nâzım’in gizli çevirmeni », (trad. « La traductrice cachée du poète Nazim Hikmet »), in : Cumhuriyet Dergi n°686, Istanbul, 16 mai 1999.

BERK Özlem, « Translating the “West”: The Position of Translated Western Literature within the Turkish Literary Polysystem », Review of Literatures of European Union, January 2006.

CASANOVA Pascale , La République mondiale des lettres, Éditions du Seuil, 1999, rééd. « Points Essais » 2008.

CHMIELOVSKA Danuta, « Nâzım Hikmet et la Pologne », Nâzm Hikmet. Héritage et modernité, éd. Petra, Paris : 2010.

DUCLOS Elise, Orhan Pamuk et la littérature mondiale, éd. Pétra, 2017.

GÖKSU Saime,TIMMS Edward, Romantic Communist.The Life and Work of Nâzım Hikmet, C. Hurst & Co Publishers Ltd, Royaume-Uni: 2006.

KEMAL Yachar, Entretiens avec Alain Bosquet, éd. Gallimard, traduit du turc par Altan Gokalp,1992.

MEYER, James H., « Echoes across the iron curtain: the letters of Münevver Andaç to Nâzım Hikmet », Middle Eastern Studies ,Volume 56, 2020 – Issue 4, Routledge.

PETEK-SALOM Gaye « Une grande dame nous a quitté en silence », in : Revue de culture, de littérature et de débats, Oluşum/Genese , n°53, Paris,  mars-avril 1953 , pp. 3-4.


[1]  Abidin Dino (1913-1993) est un  peintre turc  mondialement connu, exposant ses premiers dessins dès 1931. Il a travaillé aux côtés du peintre Picasso, fut l’ami de Nâzım Hikmet, mais aussi de  Tristan Tzara, Louis Aragon et Gertrude Stein. Il effectua de nombreux séjours à Leningrad, y rencontrant Meyerhold et des cinéstes comme Eisenstein. Il revient un moment en Turquie et prend l’initiative des mouvements d’avant-garde turque en peinture, comme le “groupe D” en 1933 , avant d’être contraint à l’exil à Paris en 1952 du fait de ses orientations politiques de gauche: de retour à Paris, il renoue avec Louis Aragon et Tzara, puis  rencontre Soupault, Jacques Prévert, Jean Cocteau, Andrè Malraux … Deux ans plus tard, sa femme Guzine Dino  (1910-2013) alors linguiste, traductrice et  professure de lettres à l’Université d’Ankara le rejoint à Paris et commence quant à elle ses activités de traductions pour la maison d’édition Gallimard. Lorsque Muüevver Andaç arriva à Paris au début des années 1970, elle fut de suite intégrée au milieu littéraire et artistique de Paris.

[2]     Gaye Petek est   d’abord fondatrice  de la Fondation publique pour l’accueil des migrants et réfugiés et travaille pendant dix ans au sein du Service social d’aide aux émigrants (SSAE) durant les années 1970.   Elle fut ensuite fondatrtice et directrice de l’association Elele à Paris entre 1984 et 2010. Elle est la fille de  Fahri Petek ( 1922-2010) chimiste et pharmacien, qui fut très engagé à gauche au moment ou le gouvernement turc développait une politique opposée à tout organisation orientée à gauche. Il vécut  l’exil à Paris de 1949 jusqu’à sa mort en 2010, et devint chercheur au CNRS.  C’est dans ces circonstances que Gaye Petek, grandissantà Paris au milieu des intellectuels turcs exilés rencontra Münevver Andaç.

[3]    SERTEL Zekerya,  Mavi Gözlü Dev : Näzım Hikmet ve SanatıCem Yayınları , Istanbul, 1968.

[4]     SERTEL Y., SERTEL . S., Sertellerin Anılarında Nâzım Hikmet ve Babıali, Adam Yayınları, 1993.

[5]  CHMIELOWSKA Danuta, « Nâzım Hikmet et la Pologne », in : Nâzım Hikmet. Héritage et modernité, éd. Petra Paris, 2010.

[6] Vâlâ Nurettin (1901-1967) est un journaliste et écrivain,  grand ami et compagnon de Nâzım Hikmet. Ils combattent ensembles à la fin de la Première Guerre Mondiale pour le Combat National, avant de partager une commune expérience de l’incarcération à la Prison de Bursa à la fin des années 1940, pour leurs orientations politiques et idéologiques de gauche. Vâlâ Nurettin , très actif dans le milieu de la presse turque publie pour les revues Aksam, Havadis, Yeni Sabah, Resimli Ay et anime des émisisions pour la radio… Il est aussi présent dans le milieu littéraire, et publie romans, nouvelles. Marié à Muzehher Hanim en 1942, une amitié et des échanges épistolaires eurent lieu entre eux, Nâzim Hikmet et Munevver Andaç. En effet dans le receuil de lettres écrites de Nâzım Hikmet publiées  pour l’édition Cem Yayınevi   en 1986, sous le nom de Bursa cezaevinden  Vâ-Nû’lara Mektuplar , on trouve de nombreuses informations sur la résistance intellectuelle et littéraire engagée par les quatre personnalités, ainsi que quelques anecdotes concernant la relation entre Munevver et Nâzım.

[7]    AYDEMIR Sezin« Bogaziçi’nden Bir Münevver Hanim . Münevver Andaç » / « Une dame intellectuelle du Bosphore. Münevver Andaç », Kitap-lık , n°195, Yapi Kredi Yayınları, Istanbul, janvier-février 2018.

[8] Zekerya Sertel ( 1890-1980) est un intellectuel, journaliste et publiciste originaire de Saloniques et suit des études  de sociologie à Paris puis de journalisme à l’Université de Columbia à New York en 1919.Il travailla pour le grand journal Cumhuriyet  avant de fonder avec sa femme Sabiha Sertel le journal Resimli Ay publié entre 1924 et 1931.  C’est dans le cadre de la publication de la  revue Resimli Ay, que Zekerya Sertel noue une relation amicale et professionnelle forte avec le poète Nâzım Hikmet. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Zekerya Sertel publie une autre revue, orientée « anti-fasciste » : la revue Tan . Très engagé dans la défense des droits et des libertés humaines, il intégre par la suite  une association Insan Hakları Dernegi  ( Association pour la défense des droits humains) en 1946.  Opposé avec sa famille au pouvoir de Adnan Menderes, Zekerya est contraint à l’exil entre les années 1950 et 1970. Sabiha Sertel ( 1895-1968) , est quant à elle une pionnière  féminine du journalisme et de l’édition en Turquie républicaine, et publie de nombreux articles portant sur des questions sociales diverses. Sabiha Sertel préconisait la réforme des droits des femmes et des travailleurs et critiquait l’oppression de l’État, l’impérialisme, le fascisme et les inégalités sociales en Turquie. Son activisme de haut niveau en faveur de la démocratie, des libertés civiles et de la liberté de la presse a entraîné des pressions sociales et politiques, de la censure, de l’emprisonnement et, en fin de compte, de l’exil.   La famille Sertel joue un rôle très important dans la relation intime et professionnelle entre Munevver Andaç et Nâzim Hikmet dans la mesure où Zekerya Sertel a servi d’intermédiaire dans leur correspondance. Les lettres de Munevver Andaç et de Nâzım Hikmet sont passées entre les mains de Zekerya Sertel.

[9]    CASANOVA Pascale, La République mondiale des lettres,Éditions du Seuil, 1999, rééd. « Points Essais » 2008.

[10]   KEMAL Yachar, Entretiens avec Alain Bosquet, éd. Gallimard, traduit du turc par Altan Gokalp,1992.

[11]   DUCLOS Elise, Orhan Pamuk et la littérature mondiale, éd. Pétra, septembre 2017.


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