Élection présidentielle en Turquie : « La dynamique sociale et électorale est du côté de l’opposition » – FRANCE INTER

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Jean-François Colosimo, historien et essayiste, auteur de « Le sabre et le turban. Jusqu’où ira la Turquie ? » (Cerf), Ahmet Insel, politologue, professeur émérite à l’université Galatasaray, Claude Guibal, productrice du podcast « Erdogan, la tentation de l’empire » sont les invités du Grand entretien.

Pour écouter l’emission du 10 mai 2023 sur France Inter.

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La Turquie vote dans une semaine pour désigner son nouveau président. Face à face, Recep Tayyip Erdogan le président sortant et Kemal Kiliçdaroglu, le candidat d’une coalition « anti-Erdogan ». « On souhaite la victoire de cette coalition », reconnaît Jean-François Colosimo, « parce qu’elle mettrait un coup d’arrêt à cette ascension vertigineuse vers des pleins pouvoirs et vers toujours plus d’arbitraire qu’incarne Erdogan ». « Pour tous les Turcs épris de liberté, qui sont soit en prison aujourd’hui soit en exil, on espère qu’il y aura cette bouffée d’oxygène. Maintenant, la vraie question, c’est : Erdogan peut-il concevoir de perdre ? Nous voyons bien que son exercice du pouvoir depuis deux décennies, c’est l’élimination de ses rivaux, et même de ses alliés. »

« L’élection la plus incertaine qu’Erdogan ait connue »

Ahmet Insel estime de son côté qu’il est « possible » qu’Erdogan quitte le pouvoir après cette élection. « Les sondages des instituts les plus fiables montrent une légère avancée du candidat de l’opposition. Il est fort possible que l’élection présidentielle, cette fois, ne se termine pas au premier tour, contrairement à 2014 et 2018. Mais l’écart est tellement faible aujourd’hui qu’il est difficile de faire un pronostic solide. La seule chose qu’on sait, c’est que la dynamique sociale et électorale est du côté de l’opposition, et Erdogan est pour la première fois en position défensive. »

« C’est effectivement l’élection la plus incertaine qu’Erdogan ait connue depuis son ascension au pouvoir il y a 20 ans », confirme Claude Guibal. « Et c’est une élection qui s’est complètement modifiée ces cinq derniers mois. À l’époque, personne ne misait un kopeck sur le candidat de l’opposition. » Depuis, il y a eu le terrible séisme dans le pays, l’inflation et la flambée des prix, et tout a changé.

« Quand une partie du pays est totalement dévastée, où les gens vont avoir du mal à aller voter, comment va se dérouler l’élection ? Erdogan a verrouillé le système, mais il y a encore une vitalité démocratique importante dans le pays. Il y aura en Turquie des observateurs internationaux pour scruter ce scrutin. »

Un scrutin faussé ?

« Cette élection ne se joue pas entre deux candidats à égalité », regrette Jean-François Colosimo. « Erdogan a monopolisé tous les moyens de l’État : à la télévision, il intervient 60 fois plus que son opposant ! Ça montre bien la vitalité de cette opposition, qui est pourtant dépourvue de ces moyens. »

Il y a aussi la question du vote des jeunes, qui va être majeure. En Turquie, « les jeunes votent autant que les personnes plus âgées », rappelle Ahmet Insel. « Et le taux de participation dans ces élections est toujours très élevé : la dernière fois c’était 87 % de participation ! L’autre particularité de ces élections, c’est qu’il y a un contrôle social et politique relativement important sur le dépouillement. Erdogan sature l’espace public, mais en même temps il y a une saturation de perception : il arrive simplement à consolider sa base électorale, mais pas à l’étendre, car l’autre partie de la Turquie ne l’écoute plus. »

Pour écouter l’emission du 10 mai 2023 sur France Inter.

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