En Turquie, la justice rejette le projet fou du « canal Istanbul » / Killian Cogan / LES ECHOS

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C’est une victoire politique pour l’opposition turque. Mercredi, un tribunal administratif d’Istanbul a invalidé les plans de zonage fixés par le ministère de l’Environnement pour le « canal Istanbul », un projet titanesque du président Recep Tayyip Erdogan , qui prévoit de creuser un détroit parallèle au Bosphore, sur le flanc ouest de la mégapole turque.

Les Echos, le 15 février 2024

Présenté dès 2011, ce projet décrit comme « fou » par le leader turc lui-même consiste à percer un canal artificiel long de 45 kilomètres, large de 100 à 200 mètres, qui relierait la mer de Marmara et la mer Noire.

Monnayer le trafic maritime

Selon le gouvernement, il permettrait de désengorger le détroit du Bosphore et d’éviter des possibles collisions de navires. Il serait un moyen, aussi, de monnayer le trafic maritime et de contourner la convention de Montreux établie en 1936 qui garantit la libre circulation des navires sur le Bosphore.

Evalué à 20 milliards de dollars par le ministère en question, ce canal, qui devait initialement voir le jour en 2023, est décrié par les organisations environnementales et le bloc d’opposition qui y voient une menace pour l’écosystème, tant il implique la destruction de forêts, de terres agricoles et de zones protégées ainsi que davantage de pollution dans une mer de Marmara déjà quasi morte.

Dégâts irréversibles

Au premier rang de ses détracteurs, figure le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, issu du Parti républicain du peuple (CHP) et élu en 2019, qui ne cesse d’asséner qu’un tel projet infligerait par ailleurs des dégâts irréversibles aux bassins hydrographiques, privant ainsi la métropole d’eau potable.

Après la tenue en juin 2021 d’une cérémonie de lancement des premiers travaux, un pont suspendu qui doit relier les deux rives du canal, la mairie d’Istanbul a intenté une action en justice pour faire invalider le plan de zonage du premier ouvrage du projet.

Le chantier au point mort

Entre-temps, force est de constater que le chantier semble au point mort. Tandis que le gouvernement manque des ressources nécessaires à son financement dans un contexte de crise économique , les investisseurs étrangers paraissent réticents à s’engager au vu des incertitudes qui l’entourent.

« Notre objectif est d’organiser l’appel d’offres et d’entamer la construction du [canal] dans les délais les plus raisonnables », a toutefois assuré le ministère de l’Environnement en novembre 2022, même si, depuis, aucun progrès n’a été réalisé.

Comme l’a rappelé le maire d’Istanbul mercredi, le ministère peut encore faire appel de la décision de justice. Mais en lui donnant raison, le tribunal consolide la posture d’Ekrem Imamoglu en vue des élections municipales du 31 mars prochain. D’autant plus que son adversaire, le candidat du Parti justice et développement (AKP) d’Erdogan, n’est autre que Murat Kurum, ancien ministre de l’Environnement de 2018 à 2023. Tout un symbole.

Killian Cogan (Correspondant à Istanbul)

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