En Turquie, une vague d’arrestations de journalistes au nom de la « désinformation » – Killian Cogan / LES ECHOS

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En quelques jours, sept journalistes indépendants sont tombés sous le coup d’une loi contre la « désinformation » votée l’an dernier par le Parlement turc.

En l’espace de seulement trois jours, sept journalistes indépendants ont été inquiétés par la justice en Turquie, suscitant une vive préoccupation des défenseurs de la liberté d’expression. Le 1er novembre, le journaliste d’investigation Tolga Şardan, du média en ligne T24, a été placé en détention à la suite de la publication d’un article portant sur la corruption au sein de l’appareil judiciaire turc.

Dans l’article, Şardan affirme que les services de renseignements turcs (MIT) ont préparé un rapport à la demande du président Recep Tayyip Erdogan sur des pratiques de pots-de-vin dans certains palais de justice à Istanbul.

Il est notamment question de juges et de procureurs qui relaxeraient des membres du crime organisé ou qui censureraient des contenus journalistiques sur Internet en échange de sommes versées aussi bien par des accusés que par des plaignants.

Peines d’emprisonnement

Dans la foulée de cette arrestation, Dincer Gokce, un présentateur de la chaîne Halk TV affiliée au Parti républicain du peuple (CHP), et Cengiz Erdinc, un journaliste du média en ligne Kisa Dalga, ont également été appréhendés, les 1er et 2 novembre, pour avoir relayé l’article en question avant d’être relâchés et placés sous contrôle judiciaire.

Ces journalistes tombent sous le coup d’une loi sur la « désinformation » adoptée par le Parlement turc en décembre 2022. Elle vise à renforcer le contrôle du gouvernement sur les réseaux sociaux et les sites d’informations en ligne et prévoit des peines d’emprisonnement pour la diffusion « d’informations trompeuses ».

« Intention de susciter l’inquiétude »

Elle punit par ailleurs les « troubles à l’ordre public », les « atteintes à la sécurité intérieure et extérieure » ainsi que « l’intention de susciter l’inquiétude, la peur ou la panique au sein de la société ».

Après que le Bureau de communication de la présidence turque – qui se distingue par ses diatribes régulières contre la presse occidentale -, a contesté les affirmations de Tolga Şardan, le procureur général d’Istanbul a lancé une enquête à son encontre pour « désinformation ». En cas de poursuites, les journalistes risquent trois ans de prison en vertu de cette nouvelle législation.

Clientélisme et corruption

Dans le même temps, des enquêtes similaires ont été lancées jeudi à l’encontre de Evrim Kepenek, une journaliste du média en ligne Bianet, ainsi que les journalistes Ugur Sahin, Ismail Ari et Ugur Koc, du quotidien indépendant BirGun.

Les poursuites contre Kepenek concernent une vidéo qu’elle a postée sur X en février dernier, montrant des gendarmes turcs saisir des tentes de secours dans la région de Kahramanmaras, près d’une semaine après le séisme survenu ce mois-là.

Les journalistes de BirGun, quant à eux, font l’objet d’une enquête pour une série d’articles portant sur les connivences entre un groupe de BTP et le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.

Pour Erol Onderoglu, le représentant de Reporters sans frontières en Turquie : « Ces opérations s’inscrivent dans une volonté d’intimider les journalistes qui pourraient nuire à la popularité d’Erdogan en travaillant sur des thèmes sensibles tels que le clientélisme et la corruption ».

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