Attaque à Paris : la presse kurde soupçonne l’implication des services secrets turcs – Courrier International

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« Après le meurtre de trois Kurdes à Paris le 23 décembre, en Turquie, la presse prokurde de Turquie met en doute la thèse d’un crime uniquement motivé par le racisme. Les titres progouvernementaux, quant à eux, reprochent à Paris sa proximité avec les Kurdes » rapporte Courrier International du 27 décembre 2022.

Les trois victimes de l’attaque commise le vendredi 23 décembre près d’un centre culturel kurde dans le Xarrondissement de Paris, qui a également fait cinq blessés dont deux graves, étaient des Kurdes originaires de Turquie. Deux d’entre elles, le chanteur Mir Perwer – Mehmet Sirin Aydin pour l’état civil turc – et le retraité Abdurrahman Kizil, avaient obtenu l’asile politique. La troisième, Emine Kara – Evin Goyi pour l’état civil turc – était, elle, une responsable de la branche féminine du mouvement de la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), venue en France pour récupérer d’une blessure subie il y a plusieurs années en combattant les djihadistes du groupe État islamique en Syrie.

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Comme l’ensemble de la presse kurde ou de l’opposition de gauche, le média en ligne Gazete Duvar, sous la plume de son correspondant en France, s’étonne du choix des victimes dans ce qui semble être un crime raciste commis par William M. Cet homme de 69 ans était connu de la justice pour des faits de violence commis en 2016 et pour une tentative d’homicide volontaire dans un camp de migrants en décembre 2021. Placé en détention provisoire pendant un an dans le cadre de cette dernière affaire, il avait été libéré le 12 décembre et placé sous contrôle judiciaire.

L’assaillant présumé aurait-il été “manipulé” ?

Lors de sa garde à vue, l’homme, qui souffrirait de problèmes psychiatriques, a successivement déclaré avoir voulu s’en prendre “à tous les migrants” et aux Kurdes, qui ont, selon lui, commis la faute d’“emprisonner les djihadistes de l’État Islamique [en Syrie] au lieu de les tuer”. Gazete Duvar s’interroge :

“Serait-il possible que ce tueur ait été manipulé pendant son incarcération ? Qui a-t-il pu fréquenter derrière les barreaux puis lors de sa sortie de prison ?”

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Le média en ligne laisse entendre que les services secrets turcs auraient pu manipuler un individu fragile. Celui-ci a décidé de passer à l’acte devant le centre culturel kurde Ahmet-Kaya au moment même où devait s’y tenir une réunion importante de cadres du mouvement, reportée à cause du mouvement de grève dans les transports.

L’ombre du triple meurtre de 2013

“Les Kurdes demandent des réponses avec d’autant plus de force que les circonstances du triple meurtre de janvier 2013 n’ont pas encore été éclaircies par la justice française”, écrit le média kurde de Turquie Yeni Özgür Politika.

En effet, il y a près de dix ans, dans le même quartier, trois femmes kurdes, dont Sakine Cansiz, responsable de premier plan du PKK, avaient été exécutées par balles. Leur meurtrier, Ömer Güney, était mort d’un cancer peu après, en prison. La piste, jugée très probable, d’une opération des services secrets turcs n’a pas pu être prouvée. “La France doit faire éclater la vérité si elle veut prouver qu’elle est véritablement l’amie des Kurdes, avec lesquels elle s’est alliée contre l’État islamique”, assène Yeni Özgür Politika.

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De son côté, le média en ligne Arti Gerçek, proche du mouvement kurde, souligne que ce triple meurtre intervient alors que la Suède, qui tente désespérément d’obtenir le feu vert d’Ankara pour son entrée dans l’Otan, vient d’accepter d’extrader vers la Turquie un opposant d’origine kurde.

“Le silence, voire la complicité des pays européens envers Erdogan doit cesser.”

Le média a répertorié les actes de violence commis récemment par l’extrême droite turque en France, notamment contre la communauté kurde de Lyon en avril 2021 et la communauté arménienne de Décines (près de Lyon) en octobre 2020.

Ankara accuse Paris de “soutenir des terroristes”

Pour sa part, la presse progouvernementale s’offusque que des drapeaux du PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, mais aussi l’Union européenne et les États-Unis, aient pu être brandis par les manifestants dans les rues de Paris, ce qui a conduit Ankara à convoquer l’ambassadeur français.

La manifestation de la communauté kurde qui s’est tenue à Paris le 24 décembre en hommage aux victimes de la rue d’Enghien a dégénéré en affrontements entre participants et forces de l’ordre – des sources faisant état de provocations de membres de l’extrême droite turque sur la place de la République. Dans la foulée, le ministre de la Défense turc, Hulusi Hakar, cité par le quotidien islamiste Yeni Akit, a déclaré :

“Voilà le risque qu’il y a à soutenir des terroristes, la France est piquée par le serpent qu’elle a nourri. C’est l’occasion de voir le vrai visage de ces terroristes.”

Les autorités turques reprochent depuis longtemps à la France d’accorder l’asile politique aux leurs opposants et de soutenir les Kurdes en Syrie.

Courrier International, 27 décembre 2022, Photo/Gabrielle CEZARD/Sipa

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