Attentat d’Istanbul: La société turque va-t-elle replonger dans la terreur ? – Le Figaro

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« Après l’attentat d’Istanbul, les autorités turques accusent les Kurdes du PKK d’en être les auteurs. Moins d’un an avant l’élection présidentielle de 2023, la répression dans les milieux d’opposition risque d’être extrêmement forte, analyse l’essayiste Franck Papazian » rapporte Le Figaro du 14 novembre 2022.

Franck Papazian est membre du Conseil de coordination des associations arméniennes de France. Il vient de publier Le Régime Erdogan. Une menace pour la France (éd. Versilio/Robert Laffont, 144 p., 18 €).

FIGAROVOX. -Bien que l’attentat n’ait pas été revendiqué, le gouvernement turc accuse le PKK d’en être l’auteur. Ces accusations vous semblent-elles fondées ?

Franck PAPAZIAN. – Pour le gouvernement turc, il est important de définir et de punir les responsables de l’attentat. Erdogan en a fait la promesse au peuple turc. Il doit donc trouver les coupables et le PKK est, par définition, pour Erdogan, le coupable idéal puisqu’il est reconnu comme une organisation terroriste par la communauté internationale. Il faut s’attendre à de nombreuses interpellations dans les milieux d’opposition dans les jours à venir. Avec de nouvelles violations des droits de l’homme, au nom de l’impératif sécuritaire.

À quelques mois des élections, dans un contexte économique et social extrêmement difficile, cet attentat sert-il les intérêts de l’opposition kurde en particulier et de l’opposition en général ? Rappelons également qu’Erdogan n’est pas à la recherche de preuves, il a déjà décidé que le PKK était à l’origine de cet attentat. La répression à grande échelle, qui se prépare d’ores et déjà, au mépris des droits fondamentaux, affaiblira considérablement l’opposition.

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En 2016, le pays a connu une vague d’attentats, attribués aux islamistes ou aux partis kurdes (le PKK et Les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), un groupe radical proche du PKK). Quelles sont les revendications de ces groupes terroristes ?

Le gouvernement turc est en guerre contre les Kurdes depuis des dizaines d’années. Les Kurdes qui constituent la plus forte minorité en Turquie disposent de relais extrêmement importants pour faire avancer leur revendication de création d’un État kurde sur le territoire turc. Rappelons qu’en 1920, le traité de Sèvres avait prévu la création d’un État kurde et d’un État arménien sur une partie des territoires actuels de la Turquie. Historiquement, la Turquie n’a jamais accepté de reconnaître cette réalité. Ce contentieux territorial qui puise ses racines dans l’Histoire à son importance. Le combat des Kurdes de Turquie et la répression de l’État turc ont figé cet état de guerre.

La gravité de la crise économique et sociale a considérablement affaibli Erdogan qui a notamment perdu Ankara et Istanbul aux dernières élections municipales.Franck Papazian

À moins d’un an de l’élection présidentielle turque, faut-il craindre une nouvelle vague d’attentats ?

Oui, la Turquie sera le théâtre d’une vague d’attentats au cours des prochains mois. La société turque sera déstabilisée et le pouvoir fera la chasse aux coupables, intensifiera les arrestations, créera un sentiment de chaos dans le pays pour imposer un climat de terreur en Turquie à quelques mois des élections tellement cruciales pour Erdogan.

Les élections de juin 2023 constituent pour la Turquie un rendez-vous historique. Erdogan, au pouvoir depuis 2003, peut-il perdre ces élections ?

2023 marquera le centième anniversaire de la République turque et Erdogan veut devenir, en remportant les élections, l’Atatürk du XXIe siècle. Mais il sait qu’il est en passe de perdre les élections. La gravité de la crise économique et sociale a considérablement affaibli Erdogan qui a notamment perdu Ankara et Istanbul aux dernières élections municipales. Perdre Ankara, la capitale du pays et Istanbul, qui est un symbole, a été extrêmement préjudiciable pour Erdogan. 2023 marquera le centième anniversaire de la République turque et Erdogan veut devenir, en remportant les élections, l’Atatürk du XXIe siècle.

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Erdogan est au pouvoir depuis 20 ans. Il a modifié la constitution turque pour garder le contrôle du pays. Il mettra tout en œuvre pour garder le pouvoir. Je suis convaincu qu’il peut confisquer le pouvoir dans l’hypothèse d’une victoire de l’opposition. Il ne craint absolument pas les réactions de la communauté internationale qui sont systématiquement d’une faiblesse absolue lorsqu’il s’agit de la Turquie. Il est temps que cela change. Le moment est venu de hausser le ton contre les pratiques d’Ankara tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

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Le Figaro, 14 novembre 2022, Photo/Murat Sengul/Anadolu Agency

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