Turquie : qui est Kemal Kiliçdaroglu et peut-il l’emporter face à Erdogan ? – Emo Touré / PARIS MATCH

Must read

Après vingt ans, l’heure du changement a-t-elle sonné en Turquie ? Kemal Kiliçdaroglu a été désigné lundi 6 mars pour être le candidat commun de six partis de l’opposition turque, avec un but : battre l’actuel président Recep Tayyip Erdogan, le 14 mai 2023. Une tâche qui promet d’être compliquée. Emo Touré rapporte dans Paris Match du 8 mars 2023.

Dix semaines pour convaincre les Turcs de changer un paysage politique vieux de vingt ans. Ce sera la tâche de l’économiste Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP), désigné lundi 6 mars pour être le candidat commun de six partis de l’opposition turque à l’élection présidentielle du 14 mai 2023. Face à lui, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003.

« Mon peuple bien-aimé, nous dirigerons la Turquie par la consultation et le consensus », a déclaré Kemal Kiliçdaroglu devant ses partisans à Ankara. Un consensus appréciable pour ceux qui l’ont choisi, car la sélection d’un candidat commun des oppositions n’a pas été un long fleuve tranquille. D’autres noms, comme celui du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, avaient même circulé. Pourtant, seul Kemal Kiliçdaroglu a été capable de rassembler, malgré les nombreux revirements d’autres partis et les critiques. La coalition, qui porte le nom d’Alliance de la Nation, rassemble en son sein des laïcs, des nationalistes de droite, des sociaux-démocrates et des islamistes politiques.

ui est Kemal Kiliçdaroglu ?

Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, est né dans la région à majorité kurde et alévie de Tunceli. Ancien haut fonctionnaire, il est devenu le président du CHP, parti social-démocrate fondé par Mustafa Kemal Atatürk, en 2010. Père d’un changement de ligne dans le parti, il s’est ouvert aux groupes politiques kurdes et aux milieux plus conservateurs, nouant des alliances avec des partis de droite.

S’il se surnomme « la force tranquille », c’est justement son caractère mesuré que critiquent ses détracteurs. Selon eux, l’économiste manque de charisme et possède une image d’intellectuel, peu à même de convaincre les soutiens d’Erdogan, plus populiste.

En 2019, son parti s’est néanmoins imposé dans plusieurs grandes villes de Turquie, d’Istanbul à Ankara, où le parti d’Erdogan, l’AKP, s’était établi depuis près de 25 ans. Le CHP a promis un retour à un système parlementaire, faisant alors disparaître le rôle « d’homme fort » incarné par le président Erdogan.

Un Erdogan affaibli ou fort ?

Les élections, à la fois présidentielles et législatives, sont une occasion en or pour l’opposition de renverser l’actuel président Erdogan. Les conséquences politiques des tremblements de terre meurtriers du mois dernier, qui ont tué plus de 45 000 personnes en Turquie, se font peu à peu ressentir. Les critiques ont fusé quant au manque de réaction et de préparation de l’exécutif, la popularité de l’AKP est en légère baise d’après les sondages… Mais, pour les observateurs, c’est surtout la promesse d’une union durable entre les six partis d’opposition qui peut convaincre les Turcs.

Cette élection est d’autant plus importante que s’y joue l’avenir économique d’une des vingt plus grandes économies mondiales. Alliée des États-Unis au sein de l’Otan, la Turquie a aussi joué un rôle diplomatique important dans la guerre en Ukraine. Le président Erdogan rencontre régulièrement le président russe Vladimir Poutine et des chefs d’États de l’Otan.

Le futur président turc aura cependant comme première grande tâche de relever l’économie. L’inflation a atteint 85 % en 2022, et la situation ne sera pas facilitée par les destructions entraînées par les séismes, qui ont fait près de trois millions de déplacés.

À lire aussi Séisme en Turquie et Syrie : alors que le bilan s’alourdit encore, les critiques montent contre Erdogan

Emo Touré rapporte dans Paris Match du 8 mars 2023.

More articles

Latest article