La Turquie menace d’intervenir à nouveau contre les Kurdes en Syrie – Courrier International

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« L’opération militaire turque envisagée dans le nord de la Syrie vise à neutraliser les forces kurdes qui ont été en première ligne de la bataille contre Daech. Elle servirait aussi à créer une “zone de sécurité” où envoyer les réfugiés syriens présents en Turquie et à doper la popularité en déclin de Recep Tayyip Erdogan » rapporte Courrier International du 30 mai 2022.

La Turquie est-elle sur le point de lancer une opération militaire contre les Kurdes en Syrie ? C’est en tout cas la menace brandie par le président turc Recep Tayyip Erdogan. “Notre patience a atteint ses limites. Nous commencerons l’opération dès que les préparations seront terminées”, a-t-il annoncé dimanche, rapporte le quotidien Hürriyet.

Lors des opérations militaires précédentes, la Turquie est parvenue à s’emparer de nombreuses zones dans le nord de la Syrie, se rapprochant du but sans cesse martelé par le chef de l’État turc visant à établir une “zone de sécurité”de 30 kilomètres de profondeur, le long des 870 kilomètres de frontière entre les deux pays, de la frontière irakienne jusqu’à la mer Méditerranée.

Cette offensive est indispensable pour stopper le PKK, qui veut créer un État terroriste qui s’étende de ses bases dans le nord de l’Irak jusqu’à la mer”, juge le quotidien progouvernemental Star. Le journal fait référence au PYD, le parti kurde syrien qui contrôle le nord-est de la Syrie. Le PYD est considéré comme la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla contre l’État turc depuis les années 1980.

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Soutien des États-Unis aux forces arabo-kurdes

Ces zones avaient été le théâtre de combats entre les Kurdes syriens et l’organisation djihadiste État islamique (EI), à partir de la bataille de Kobané (2014-2015), qui a marqué le début d’une série de défaites de Daech qui s’est soldée en Syrie par la chute de son “califat”, en 2019.

Les États-Unis, qui épaulent les forces arabo-kurdes depuis 2014 dans le cadre de leur lutte contre Daech – acronyme en arabe de l’EI – et continuent à les soutenir pour empêcher la résurrection de l’organisation, ont manifesté leur désapprobation envers une possible offensive turque, qui risquerait à leurs yeux de déstabiliser encore davantage la région.

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La réponse d’Erdogan, formulée à un groupe de journalistes au retour d’une visite en Azerbaïdjan, est cinglante :

“On ne peut pas lutter contre le terrorisme en attendant la permission de qui que ce soit. […] Que ferons-nous si les États-Unis ne font pas leur part dans la lutte contre le terrorisme ? Nous nous débrouillerons seuls.”

Pour obtenir des concessions de Washington, Ankara peut compter sur un outil puissant : son veto sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan, qu’elle conteste au prétexte que ces deux pays seraient trop conciliants dans leur politique d’accueil des réfugiés politiques kurdes, considérés comme des “terroristes” par Ankara.

Phase de préparation

Le veto américain à cette opération a-t-il donné un coup de frein à son déclenchement ? C’est en tout cas ce qu’explique une source au sein de l’Armée nationale syrienne (ANS), composée de groupes rebelles syriens soutenus par la Turquie, au quotidien panarabe Al-Araby Al-JadidSelon cette source, l’opération aurait été “reportée […] à une date qui reste à déterminer”. Ce que démentent des sources militaires et diplomatiques turques, également citées par Al-Araby Al-Jadid, qui affirment que l’opération est en “phase de préparation sur les plans politique, diplomatique et militaire”.

Outre la sécurisation de sa frontière, cette opération militaire constituerait surtout un pas de plus vers le projet de rapatrier dans le nord de la Syrie au moins 1 million de réfugiés syriens présents en Turquie, sur les 3,7 millions qui vivent sur le sol turc, souligne le quotidien ultranationaliste Yeni Safak.

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Alors que des échéances électorales majeures se dessinent en Turquie et que la cote d’Erdogan, victime de la crise économique, est au plus bas, une telle offensive militaire pourrait aussi servir à regonfler sa popularité, estime un journaliste spécialiste du conflit syrien dans le média en ligne Gazete DuvarMais si les Américains maintiennent fermement leur position et que la Turquie n’obtient qu’une opération dans la petite région de Tel Rifat, cette maigre conquête sera-t-elle suffisante pour galvaniser l’opinion et conforter la position d’Erdogan ?” interroge le journaliste.

Courrier International, 30 mai 2022

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